Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/530

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plus déraisonnable, la plus attentive du monde moral : la vanité d’une femme !…

Caroline vous a saintement serré dans ses bras, elle vous a remercié de vos avis, elle vous en aime davantage ; elle veut tout tenir de vous, même l’esprit ; elle peut être sotte, mais ce qui vaut mieux que de dire de jolies choses, elle sait en faire !… elle vous aime. Mais elle désire être aussi votre orgueil ! Il ne s’agit pas de savoir se bien mettre, d’être élégante et belle ; elle veut vous rendre fier de son intelligence. Vous êtes l’homme le plus heureux du monde d’avoir su sortir de ce premier mauvais pas conjugal.

— Nous allons ce soir chez madame Deschars, où l’on ne sait que faire pour s’amuser ; on y joue à toutes sortes de jeux innocents à cause du troupeau de jeunes femmes et de jeunes filles qui y sont ; tu verras !… dit-elle.

Vous êtes si heureux que vous fredonnez des airs en rangeant toutes sortes de choses chez vous, en caleçon et en chemise. Vous ressemblez à un lièvre faisant ses cent mille tours sur un gazon fleuri, parfumé de rosée. Vous ne passez votre robe de chambre qu’à la dernière extrémité, quand le déjeuner est sur la table. Pendant la journée, si vous rencontrez des amis, et si l’on vient à parler femmes, vous les défendez ; vous trouvez les femmes charmantes, douces ; elles ont quelque chose de divin.

Combien de fois nos opinions nous sont-elles dictées par les événements inconnus de notre vie ?

Vous menez votre femme chez madame Deschars. Madame Deschars est une mère de famille excessivement dévote, et chez qui l’on ne trouve pas de journaux à lire ; elle surveille ses filles, qui sont de trois lits différents, et les tient d’autant plus sévèrement qu’elle a eu, dit-on, quelques petites choses à se reprocher pendant ses deux précédents mariages. Chez elle, personne n’ose hasarder une plaisanterie. Tout y est blanc et rose, parfumé de sainteté, comme chez les veuves qui atteignent aux confins de la troisième jeunesse. Il semble que ce soit la Fête-Dieu tous les jours.

Vous, jeune mari, vous vous unissez à la société juvénile des jeunes femmes, des petites filles, des demoiselles et des jeunes gens qui sont dans la chambre à coucher de madame Deschars. Les gens graves, les hommes politiques, les têtes à whist et à thé sont dans le grand salon.