Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/558

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Troisième strophe. — Mais je suis un monstre ! Caroline est la mère de mes enfants !

Votre femme revient avec vous en voiture, et vous la trouvez horrible ; elle vous parle, vous lui répondez par monosyllabes. Elle vous dit : « Qu’as-tu donc ? » Vous lui répondez : « Rien. » Elle tousse, vous l’engagez à voir, dès demain, le docteur. La médecine a ses hasards.

Quatrième strophe. — On m’a dit qu’un médecin, maigrement payé par des héritiers, s’écria très-imprudemment : « Ils me rognent mille écus, et me doivent quarante mille livres de rentes ! » Oh ! je ne regarderais pas aux honoraires, moi !

— Caroline, lui dites-vous à haute voix, il faut prendre garde à toi ; croise ton châle, soigne-toi, mon ange aimé.

Votre femme est enchantée de vous, vous paraissez vous intéresser énormément à elle. Pendant le déshabiller de votre femme, vous restez étendu sur la causeuse.

Quand tombe la robe, vous contemplez la divine apparition qui vous ouvre la porte d’ivoire des châteaux en Espagne. Extase ravissante ! vous voyez la sublime jeune fille !… Elle est blanche comme la voile du galion qui entre à Cadix chargé de trésors. Elle en a les merveilleux bossoirs qui fascinent le négociant avide. Votre femme, heureuse d’être admirée, s’explique alors votre air taciturne. Cette jeune fille sublime ! vous la voyez les yeux fermés ; elle domine votre pensée, et vous dites alors :

Cinquième et dernière strophe. — Divine ! adorable ! Existe-t-il deux femmes pareilles ? Rose des nuits ! Tour d’ivoire ! Vierge céleste ! Étoile du soir et du matin !

Chacun a ses petites litanies, vous en avez dit quatre.

Le lendemain, votre femme est ravissante, elle ne tousse plus, elle n’a pas besoin de docteur ; si elle crève, elle crèvera de santé ; vous l’avez maudite quatre fois au nom de la jeune fille, et quatre fois elle vous a béni. Caroline ne sait pas qu’il frétillait, au fond de votre cœur, un petit poisson rouge de la nature des crocodiles, enfermé dans l’amour conjugal comme l’autre dans un bocal, mais sans coquillages.

Quelques jours auparavant, votre femme avait parlé de vous, en termes assez équivoques, à madame de Fischtaminel ; votre belle amie vient la voir, et Caroline vous compromet alors par des