Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/562

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— Oui, une robe de quatre cents francs ! Elle a tout ce qui se fait de plus beau en velours…

— Quatre cents francs ! s’écrie Adolphe en prenant la pose de l’apôtre Thomas.

— Mais il y a deux lés de rechange et un corsage…

— Il fait bien les choses, monsieur Deschars ! reprend Adolphe en se réfugiant dans la plaisanterie.

— Tous les hommes n’ont pas de ces attentions-là, dit Caroline sèchement.

— Quelles attentions ?…

— Mais, Adolphe… penser aux lés de rechange et à un corsage pour faire encore servir la robe quand elle ne sera plus de mise, décolletée…

Adolphe se dit en lui-même : ─ Caroline veut une robe.

Le pauvre homme !…

Quelque temps après, monsieur Deschars a renouvelé la chambre de sa femme. Puis monsieur Deschars a fait remonter à la nouvelle mode les diamants de sa femme. Monsieur Deschars ne sort jamais sans sa femme, ou ne laisse sa femme aller nulle part sans lui donner le bras.

Si vous apportez quoi que ce soit à Caroline, ce n’est jamais aussi bien que ce qu’a fait monsieur Deschars. Si vous vous permettez le moindre geste, la moindre parole un peu trop vifs ; si vous parlez un peu haut, vous entendez cette phrase sibilante et vipérine :

— Ce n’est pas monsieur Deschars qui se conduirait ainsi ! Prends donc monsieur Deschars pour modèle.

Enfin, l’imbécile monsieur Deschars apparaît dans votre ménage à tout moment et à propos de tout.

Ce mot : « ─ Vois donc un peu si monsieur Deschars se permet jamais… » est une épée de Damoclès, ou ce qui est pis, une épingle ; et votre amour-propre est la pelote où votre femme la fourre continuellement, la retire et la refourre, sous une foule de prétextes inattendus et variés, en se servant d’ailleurs des termes d’amitié les plus câlins ou avec des façons assez gentilles.

Adolphe, taonné jusqu’à se voir tatoué de piqûres, finit par faire ce qui se fait en bonne police, en gouvernement, en stratégie. (Voyez l’ouvrage de Vauban sur l’attaque et la défense des places fortes.) Il avise madame de Fischtaminel, femme encore jeune,