Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/619

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L’auteur (peut-on dire ingénieux ?) qui castigat ridendo mores, et qui a entrepris les Petites Misères de la Vie conjugale, n’a pas besoin de faire observer qu’ici par prudence, il a laissé parler une femme comme il faut, et qu’il n’accepte pas la responsabilité de la rédaction, tout en professant la plus sincère admiration pour la charmante personne à laquelle il doit la connaissance de cette petite misère. — Ainsi… dit-elle.

Cependant, il éprouve la nécessité d’avouer que cette personne n’est ni madame Foullepointe, ni madame de Fischtaminel, ni madame Deschars.

Madame Deschars est trop collet-monté, madame Foullepointe est trop absolue dans son ménage, elle sait cela d’ailleurs, que ne sait-elle pas ? elle est aimable, elle voit la bonne compagnie, elle tient à ce qu’il y a de mieux ; on lui passe la vivacité de ses traits d’esprit, comme, sous Louis XIV, on passait à madame Cornuel ses mots. On lui passe bien des choses : il y a des femmes qui sont les enfants gâtés de l’opinion.

Quant à madame de Fischtaminel, qui d’ailleurs est en cause, comme on va le voir, incapable de se livrer à la moindre récrimination, elle récrimine en faits, elle s’abstient de paroles.

Nous laissons à chacun la liberté de penser que cette interlocutrice est Caroline, non pas la niaise Caroline des premières années, mais Caroline devenue femme de trente ans.

— Ainsi vous aurez, s’il plaît à Dieu, des enfants…

— Madame, lui dis-je, ne mettons point Dieu dans ceci, à moins que ce mot ne soit une allusion…

— Vous êtes un impertinent, me dit-elle, on n’interrompt point une femme…

— Quand elle s’occupe d’enfants, je le sais ; mais il ne faut pas, madame, abuser de l’innocence des jeunes personnes. Mademoiselle va se marier, et, si elle comptait sur cette intervention de l’Être-Suprême, elle serait induite dans une profonde erreur. Nous ne devons pas tromper la jeunesse. Mademoiselle a passé l’âge où l’on dit aux jeunes personnes que le petit frère a été trouvé sous un chou.

— Vous voulez me faire dire des sottises, reprit-elle en souriant et montrant les plus belles dents du monde, je ne suis pas assez forte pour lutter contre vous, je vous prie de me laisser continuer avec Joséphine. Que te disais-je ?