Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/647

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Sous ce rapport, les femmes dotent les hommes de facultés surhumaines. La peur agrandit tout, elle dilate les yeux, le cœur : elle rend une femme insensée.

— Où va monsieur ? — Que fait monsieur ? — Pourquoi me quitte-t-il ? — Pourquoi ne m’emmène-t-il pas ?

Ces quatre questions sont les quatre points cardinaux de la rose des soupçons, et régissent la mer orageuse des soliloques. De ces tempêtes affreuses qui ravagent les femmes, il résulte une résolution ignoble, indigne, que toute femme, la duchesse comme la bourgeoise, la baronne comme la femme d’agent de change, l’ange comme la mégère, l’insouciante comme la passionnée, exécute aussitôt. Toutes, elles imitent le gouvernement, elles espionnent. Ce que l’État invente dans l’intérêt de tous, elles le trouvent légitime, légal et permis dans l’intérêt de leur amour. Cette fatale curiosité de la femme la jette dans la nécessité d’avoir des agents, et l’agent de toute femme qui se respecte encore dans cette situation, où la jalousie ne lui laisse rien respecter,

Ni vos cassettes, — ni vos habits, — ni vos tiroirs de caisse ou de bureau, de table ou de commode, — ni vos portefeuilles à secrets, — ni vos papiers, — ni vos nécessaires de voyage, — ni votre toilette (une femme découvre alors que son mari se teignait les moustaches quand il était garçon, qu’il conserve les lettres d’une ancienne maîtresse excessivement dangereuse, et qu’il la tient ainsi en respect, etc., etc.), — ni vos ceintures élastiques ;

Eh bien ! son agent, le seul auquel une femme se fie, est sa femme de chambre, car sa femme de chambre la comprend, l’excuse et l’approuve.

Dans le paroxisme de la curiosité, de la passion, de la jalousie excitée, une femme ne calcule rien, n’aperçoit rien, elle veut tout savoir.

Et Justine est enchantée ; elle voit sa maîtresse se compromettant avec elle, elle en épouse la passion, les terreurs, les craintes et les soupçons avec une effrayante amitié. Justine et Caroline ont des conciliabules, des conversations secrètes. Tout espionnage implique ces rapports. Dans cette situation, une femme de chambre devient la maîtresse du sort des deux époux. Exemple : lord Byron.

— Madame, vient dire un jour Justine, monsieur sort effectivement pour aller voir une femme…