Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/107

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VAUTRIN.

Ah ! nous nous connaissons en vertu, nous autres !… et — nous sommes difficiles. À moi l’infamie, à lui l’honneur ! Et songez que je l’ai trouvé sur la grande route de Toulon à Marseille, à douze ans, sans pain, en haillons.

LA DUCHESSE.

Nu-pieds, peut-être ?

VAUTRIN.

Oui. Mais joli ! les cheveux bouclés…

LA DUCHESSE.

Vous l’avez vu ainsi ?

VAUTRIN.

Pauvre ange ! il pleurait. Je l’ai pris avec moi.

LA DUCHESSE.

Et vous l’avez nourri ?

VAUTRIN.

Moi ! j’ai volé pour le nourrir !

LA DUCHESSE.

Oh ! je l’aurais fait peut-être aussi, moi !

VAUTRIN.

J’ai fait mieux !

LA DUCHESSE.

Oh ! il a donc bien souffert ?

VAUTRIN.

Jamais ! Je lui ai caché les moyens par lesquels je lui rendais la vie heureuse et facile. Ah ! je ne lui voulais pas un soupçon… ça l’aurait flétri. Vous le rendez noble avez des parchemins, moi je l’ai fait noble de cœur.

LA DUCHESSE.

Mais c’était mon fils !…

VAUTRIN.

Oui, plein de grandeur, de charmes, de beaux instincts il n’y avait qu’à lui montrer le chemin.

LA DUCHESSE, serrant la main de Vautrin.

Oh ! que vous devez être grand pour avoir accompli la tâche d’une mère !