Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/140

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fouettent la mer, qui rendent un navire rapide comme le vent, et capable de résister aux tempêtes. Les traversées deviennent sûres, d’une célérité qui n’a de bornes que dans le jeu des roues. La vie humaine s’augmente de tout le temps économisé. Sire, Christophe Colomb vous a donné un monde à trois mille lieues d’ici ; je vous le mets à la porte de Cadix, et vous aurez, Dieu aidant, l’empire de la mer.

LA REINE.

Vous n’êtes pas étonné, Sire ?

PHILIPPE II.

L’étonnement est une louange involontaire qui ne doit pas échapper à un roi. (À Fontanarès.) Que me demandes-tu ?

FONTANARÈS.

Ce que demanda Colomb, un navire et mon roi pour spectateur de l’expérience.

PHILIPPE II.

Tu auras le roi, l’Espagne et le monde. On te dit amoureux d’une fille de Barcelone. Je dois aller au delà des Pyrénées, visiter mes possessions, le Roussillon, Perpignan. Tu prendras ton vaisseau à Barcelone.

FONTANARÈS.

En me donnant le vaisseau, Sire, vous m’avez fait justice ; en me le donnant à Barcelone, vous me faites une grâce qui change votre sujet en esclave.

PHILIPPE II.

Perdre un vaisseau de l’État, c’est risquer ta tête. La loi le veut ainsi…

FONTANARÈS.

Je le sais, et j’accepte.

PHILIPPE II.

Eh bien ! hardi jeune homme, réussis à faire aller contre le vent, sans voiles ni rames, ce vaisseau comme il irait par un bon vent. Et toi, — ton nom ?

FONTANARÈS.

Alfonso Fontanarès.

PHILIPPE II.

Tu seras don Alfonso Fontanarès, duc de… Neptunado, grand d’Espagne…

LE DUC DE LERME.

Sire… les statuts de la Grandesse…