Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/285

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MADAME ROUSSEAU.

Lui ! (À Dupré, montrant Binet.) La menace qu’il nous a faite, l’aurait-il réalisée ?

DUPRÉ.

Non. Binet vous a servis.

BINET.

C’est votre faute !… sans vous… ah ! bien… J’arrive, bien décidé à tout brouiller ; mais de voir tout le monde, le président, les jurés, la foule, un silence à faire peur !… je tremble un moment… pourtant je prends une résolution… on m’interroge, je vas pour répondre, et puis v’là que mes yeux rencontrent ceux de mademoiselle Paméla, tout remplis de larmes… Je sens une barre là… De l’autre côté, je vois M. Jules… un beau garçon, une tête superbe, mais bien exposée ! un air tranquille, il semblait être là par curiosité. Ça me démonte ! « N’ayez pas peur, me dit le président… parlez… » Je n’y étais plus, moi ! Cependant la crainte de me compromettre… et puis j’avais juré de dire la vérité ; ma foi ! voilà Monsieur qui fixe sur moi un œil… un œil qui semblait me dire… Je ne peux pas vous dire… ma langue s’entortille… il me prend une sueur, mon cœur se gonfle, et je me mets à pleurer comme un imbécile. Vous avez été magnifique… alors, c’était fini, voyez-vous… il m’avait retourné complétement… voilà que je patauge… je dis que le 24 au soir, à une heure indue, j’ai surpris M. Jules chez Paméla… Paméla, que je devais épouser, que j’aime encore… de sorte que, si je l’épouse, on dira dans le quartier… voilà… Ça m’est égal ! grand avocat ! ça m’est égal ! (À Justine.) Donnez-moi de l’eau sucrée !

ROUSSEAU, MADAME ROUSSEAU et MADAME DU BROCARD, à Binet.

Mon ami !… brave garçon !

DUPRÉ.

L’énergie de Paméla me donne bon espoir… Un moment j’ai tremblé pendant sa déposition ; le procureur général la pressait vivement et refusait de croire à la vérité de son témoignage ; elle a pâli j’ai cru qu’elle allait s’évanouir.

BINET.

Et moi, donc ?

DUPRÉ.

Son dévouement a été complet… Vous ignorez tout ce qu’elle a fait pour vous, moi-même elle m’a trompé… elle s’est accusée,