Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/360

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FERDINAND.

Mais qui t’a dit une pareille folie ?

PAULINE.

Ma belle-mère.

FERDINAND.

Elle sait tout ! ou si elle ne le sait pas, elle va nous espionner et tout découvrir ; car les soupçons, chez les femmes comme elle, c’est la certitude !… Écoute-moi, Pauline, les instants sont précieux. C’est madame de Grandchamp qui m’a fait venir dans cette maison.

PAULINE.

Et pourquoi !

FERDINAND.

Parce qu’elle m’aime.

PAULINE.

Quelle horreur !… Eh bien ! et mon père ?

FERDINAND.

Elle m’aimait avant de se marier.

PAULINE.

Elle t’aime ; mais toi, l’aimes-tu ?

FERDINAND.

Serais-je resté dans cette maison ?

PAULINE.

Elle t’aime… encore ?

FERDINAND.

Malheureusement toujours ! Elle a été, je dois te l’avouer, ma première inclination ; mais je la hais aujourd’hui de toutes les puissances de mon âme, et je cherche pourquoi. Est-ce parce que je t’aime, et que tout véritable et pur amour est de sa nature exclusif ? est-ce que la comparaison d’un ange de pureté tel que toi et d’un démon comme elle me pousse autant à la haine du mal qu’à l’amour de toi, mon bien, mon bonheur, mon joli trésor ? je ne sais. Mais je la hais, et je t’aime à ne pas regretter de mourir, si ton père me tuait ; car une de nos causeries, une heure passée là, près de toi, me semble, même après qu’elle s’est écoulée, toute ma vie.

PAULINE.

Oh ! parle, parle toujours !… tu m’as rassurée. Après t’avoir