Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/395

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VERNON.

Oui, la mienne que je vous ai donnée ! Ah ! je ne lisais pas le journal, je vous observais.

GERTRUDE.

Oh ! Monsieur, quel métier !

VERNON.

Avouez que ce métier vous est en ce moment bien salutaire, car vous allez peut-être avoir besoin de moi, si, par l’effet de ce breuvage Pauline se trouvait gravement indisposée.

GERTRUDE.

Gravement indisposée… mon Dieu ! docteur, je n’ai mis que quelques gouttes.

VERNON.

Ah ! vous avez donc mis de l’opium dans son thé.

GERTRUDE.

Docteur… vous êtes un infâme !

VERNON.

Pour avoir obtenu de vous cet aveu ?… Dans le même cas, toutes les femmes me l’ont dit, j’y suis accoutumé. Mais ce n’est pas tout, et vous avez bien d’autres confidences à me faire.

GERTRUDE, à part.

Un espion ! il ne me reste plus qu’à m’en faire un complice. (Haut.) Docteur, vous pouvez m’être trop utile pour que nous restions brouillés ; dans un moment, je vais vous répondre avec franchise.

(Elle entre dans sa chambre, et s’y renferme.)
VERNON.

Le verrou mis ! Je suis pris, joué ! Je ne pouvais pas, après tout, employer la violence… Que fait-elle ?… elle va cacher son flacon d’opium… On a toujours tort de rendre à un homme les services que mon vieil ami, ce pauvre général, a exigé de moi… Elle va m’entortiller… Ah ! la voici.

GERTRUDE, à part.

Brûlées !… Plus de traces… je suis sauvée !… (Haut.) Docteur !

VERNON.

Madame ?

GERTRUDE.

Ma belle-fille Pauline, que vous croyez être une fille candide, un ange, s’était emparée lâchement, par un crime, d’un secret dont la découverte compromettait l’honneur, la vie de quatre personnes.

VERNON.

Quatre. (À part.) Elle, le général… ah ! son fils, peut-être… et l’inconnu.