Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/232

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COLLEVILLE (entrant).

Enfin, messieurs, je vous annonce une fameuse nouvelle…

TOUS.

Nous la savons.

COLLEVILLE.

Je vous en défie bien, de la savoir ! J’y suis depuis l’avénement de Sa Majesté aux trônes collectifs de France et de Navarre. Je l’ai achevée cette nuit avec tant de peine que madame Colleville me demandait ce que j’avais à me tant tracasser.

DUTOCQ.

Croyez-vous qu’on ait le temps de s’occuper de vos anagrammes quand le respectable monsieur de La Billardière vient d’expirer ?…

COLLEVILLE.

Je reconnais mon Bixiou ! je viens de chez monsieur La Billardière, il vivait encore ; mais on l’attend à passer… (Godard comprend la charge, et s’en va mécontent dans son cabinet.) Messieurs, vous ne devineriez jamais les événements que suppose l’anagramme de cette phrase sacramentale. (Il montre un papier.) Charles dix, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre.

GODARD (revenant).

Dites-le tout de suite, et n’amusez pas ces messieurs.

COLLEVILLE (triomphant et développant la partie cachée de sa feuille de papier).

À H. V. il cedera
De S. C. I. d. partira.
En nauf errera.
Decede à Gorix.

Toutes les lettres y sont ! (Il répète.) À Henri cinq cédera (sa couronne), de Saint-Cloud partira ; en nauf (esquif, vaisseau, felouque, corvette, tout ce que vous voudrez, c’est un vieux mot français), errera…

DUTOCQ.

Quel tissu d’absurdités ! Comment voulez — vous que le roi cède la couronne à Henri V, qui dans votre hypothèse serait son petit-fils, quand il y a monseigneur le Dauphin ? Vous prophétisez déjà la mort du Dauphin.

BIXIOU.

Qu’est-ce que Gorix ? un nom de chat.