Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/264

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chaussée, ils y trouvèrent un grand feu, madame Saillard, Élisabeth, monsieur Gaudron, et le curé de Saint-Paul. Le curé se tourna vers monsieur Baudoyer, à qui sa femme fit un signe d’intelligence peu compris.

— Monsieur, dit le curé, je n’ai pas voulu tarder à venir vous remercier du magnifique cadeau par lequel vous avez embelli ma pauvre église, je n’osais pas m’endetter pour acheter ce bel ostensoir, digne d’une cathédrale. Vous qui êtes un de nos plus pieux et assidus paroissiens, vous deviez plus que tout autre avoir été frappé du dénûment de notre maître-autel. Je vais voir, dans quelques moments, monseigneur le coadjuteur, et il vous témoignera bientôt sa satisfaction.

— Je n’ai rien fait encore… dit Baudoyer.

— Monsieur le curé, répondit sa femme en lui coupant la parole, je puis trahir son secret tout entier. Monsieur Baudoyer compte achever son œuvre en vous donnant un dais pour la prochaine Fête-Dieu. Mais cette acquisition tient un peu à l’état de nos finances, et nos finances tiennent à notre avancement.

— Dieu récompense ceux qui l’honorent, dit monsieur Gaudron en se retirant avec le curé.

— Pourquoi, dit Saillard à monsieur Gaudron et au curé, ne nous faites-vous pas l’honneur de manger avec nous la fortune du pot ?

— Restez, mon cher vicaire, dit le curé à Gaudron. Vous me savez invité par monsieur le curé de Saint-Roch, qui demain enterre monsieur de La Billardière.

— Monsieur le curé de Saint-Roch peut-il dire un mot pour nous ? demanda Baudoyer que sa femme tira violemment par le pan de sa redingote.

— Mais tais-toi donc, Baudoyer, lui dit-elle en l’attirant dans un coin pour lui souffler à l’oreille : — Tu as donné à la paroisse un ostensoir de cinq mille francs. Je t’expliquerai tout.

L’avare Baudoyer fit une grimace horrible et resta songeur pendant tout le dîner.

— Pourquoi donc t’es-tu tant remuée à propos du passe-port de Falleix ? de quoi te mêles-tu ! lui demanda-t-il enfin.

— Il me semble que les affaires de Falleix sont un peu les nôtres, répondit sèchement Élisabeth en jetant un regard à son mari pour lui montrer monsieur Gaudron devant lequel il devait se taire.