Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/331

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THUILLIER.

Des rois ?…

BIXIOU.

Recevez mes compliments ? il est joli celui-là !

COLLEVILLE (entrant joyeux ).

Messieurs, je suis votre Chef…

THUILLIER

Ah ! mon ami, je le serais comme tu l’es, je ne serais pas si content.

BIXIOU.

C’est un coup de sa femme, mais ce n’est pas un coup de tête !… (Éclats de rire.)

POIRET.

Qu’on me dise la morale de ce qui nous arrive aujourd’hui ?…

BIXIOU.

La voulez-vous ? L’antichambre de l’Administration sera désormais la Chambre, la cour en est le boudoir, le chemin ordinaire en est la cave, le lit est plus que jamais le petit sentier de traverse.

POIRET.

Monsieur Bixiou, je vous en prie, expliquez-vous ?

BIXIOU.

Je vais paraphraser mon opinion. Pour être quelque chose, il faut commencer par être tout. Il y a évidemment une réforme administrative à faire ; car, ma parole d’honneur, l’État vole autant ses employés que les employés volent le temps dû à l’État, mais nous travaillons peu parce que nous ne recevons presque rien, nous trouvant en beaucoup trop grand nombre pour la besogne à faire, et ma vertueuse Rabourdin a vu tout cela ! Ce grand homme de bureau prévoyait, messieurs, ce qui doit arriver, et ce que les niais appellent le jeu de nos admirables institutions libérales. La Chambre va vouloir administrer, et les administrateurs voudront être législateurs. Le Gouvernement voudra administrer, et l’Administration voudra gouverner. Aussi les lois seront-elles des règlements, et les ordonnances deviendront-elles des lois. Dieu fit cette époque pour ceux qui aiment à rire. Je vis dans l’admiration du spectacle que le plus grand railleur des temps modernes, Louis XVIII, nous a préparé. (Stupéfaction générale.) Messieurs, si la France, le pays le mieux administré de l’Europe, est ainsi, jugez de ce que doivent être les autres. Pauvres pays,