Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/36

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d’intérêt aux autres ! Pendant que j’étais employé, j’avais la sottise de m’intéresser à toutes les maisons où je dînais, je les défendais en cas de médisance, je ne les calomniais pas, je… Oh ! j’étais un enfant. Quand sa fille lui eut expliqué sa position, la ci-devant perle s’écria : — Mes pauvres enfants ! qui donc me fera mes robes ? Je ne pourrai donc plus avoir de bonnets frais, ni recevoir, ni aller dans le monde ! — À quoi pensez-vous que se reconnaisse l’amour chez un homme ? dit Bixiou en s’interrompant, il s’agit de savoir si Beaudenord était vraiment amoureux de cette petite blonde.

— Il néglige ses affaires, répondit Couture.

— Il met trois chemises par jour, dit Finot.

— Une question préalable ? dit Blondet, un homme supérieur peut-il et doit-il être amoureux ?

— Mes amis, reprit Bixiou d’un air sentimental, gardons-nous comme d’une bête venimeuse de l’homme qui, se sentant pris d’amour pour une femme, fait claquer ses doigts ou jette son cigare en disant : Bah ! il y en a d’autres dans le monde ! Mais le gouvernement peut employer ce citoyen dans le Ministère des Affaires Étrangères. Blondet, je te fais observer que ce Godefroid avait quitté la diplomatie.

— Hé ! bien, il a été absorbé, l’amour est la seule chance qu’aient les sots pour se grandir, répondit Blondet.

— Blondet, Blondet, pourquoi donc sommes-nous si pauvres ? s’écria Bixiou.

— Et pourquoi Finot est-il riche ? reprit Blondet, je te le dirai, va, mon fils, nous nous entendons. Allons, voilà Finot qui me verse à boire comme si j’avais monté son bois. Mais à la fin d’un dîner, on doit siroter le vin. Eh ! bien ?

— Tu l’as dit, l’absorbé Godefroid fit ample connaissance avec la grande Malvina, la légère baronne et la petite danseuse. Il tomba dans le servantisme le plus minutieux et le plus astringent. Ces restes d’une opulence cadavéreuse ne l’effrayèrent pas. Ah !… bah ! il s’habitua par degrés à toutes ces guenilles. Jamais le lampasse vert à ornements blancs du salon ne devait paraître à ce garçon ni passé, ni vieux, ni taché, ni bon à remplacer. Les rideaux, la table à thé, les chinoiseries étalées sur la cheminée, le lustre rococo, le tapis façon cachemire qui montrait la corde, le piano, le petit service fleureté, les serviettes frangées et aussi trouées à l’espagnole, le sa-