Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/83

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milieu d’un parc de cinq arpents, au sommet de Ville-d’Avray, au plus beau point de vue. Épouser Virginie, c’était avoir cette belle villa quelque jour ! Il fut reçu par les Vervelle avec un enthousiasme, une joie, une bonhomie, une franche bêtise bourgeoise qui le confondirent. Ce fut un jour de triomphe. On promena le futur dans les allées couleur nankin qui avaient été ratissées comme elles devaient l’être pour un grand homme. Les arbres eux-mêmes avaient un air peigné, les gazons étaient fauchés. L’air pur de la campagne amenait des odeurs de cuisine infiniment réjouissantes. Tous, dans la maison, disaient : Nous avons un grand artiste. Le petit père Vervelle roulait comme une pomme dans son parc, la fille serpentait comme une anguille, et la mère suivait d’un pas noble et digne. Ces trois êtres ne lâchèrent pas Grassou pendant sept heures. Après le dîner, dont la durée égala la somptuosité, monsieur et madame Vervelle arrivèrent à leur grand coup de théâtre, à l’ouverture de la galerie illuminée par des lampes à effets calculés. Trois voisins, anciens commerçants, un oncle à succession, mandés pour l’ovation du grand artiste, une vieille demoiselle Vervelle et les convives suivirent Grassou dans la galerie, assez curieux d’avoir son opinion sur la fameuse galerie du petit père Vervelle, qui les assommait de la valeur fabuleuse de ses tableaux. Le marchand de bouteilles semblait avoir voulu lutter avec le roi Louis-Philippe et les galeries de Versailles. Les tableaux magnifiquement encadrés avaient des étiquettes où se lisaient en lettres noires sur fond d’or :

Rubens.
Danses de faunes et de nymphes.
Rembrandt.
Intérieur d’une salle de dissection. Le docteur Tromp faisant sa leçon à ses élèves.

Il y avait cent cinquante tableaux tous vernis, époussetés, quelques-uns étaient couverts de rideaux verts qui ne se tiraient pas en présence des jeunes personnes.

L’artiste resta les bras cassés, la bouche béante, sans parole sur les lèvres, en reconnaissant la moitié de ses tableaux dans cette galerie : il était Rubens, Paul Potter, Mieris, Metzu, Gérard Dow ! il était à lui seul vingt grand maîtres.