Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parfois aux bals de la cour, son nom jeté si souvent, depuis seize ans, par la Presse à l’Europe, a fini par pénétrer dans la vallée des Pyrénées-Orientales où végètent trois véritables Lora, son frère aîné, son père et une vieille tante paternelle, mademoiselle Urraca y Lora.

Dans la ligne maternelle, il ne reste plus au peintre célèbre qu’un cousin, neveu de sa mère, âgé de cinquante ans, habitant d’une petite ville manufacturière du département. Ce cousin fut le premier à se souvenir de Léon. En 1840 seulement, Léon de Lora reçut une lettre de monsieur Sylvestre Palafox-Castel-Gazonal (appelé tout simplement Gazonal), auquel il répondit qu’il était bien lui-même, c’est-à-dire le fils de feue Léonie Gazonal, femme du comte Fernand Didas y Lora.

Le cousin Sylvestre Gazonal alla dans la belle saison de 1841 apprendre à l’illustre famille inconnue des Lora que le petit Léon n’était pas parti pour le Rio de la Plata, comme on le croyait, qu’il n’y était pas mort, comme on le croyait, et qu’il était un des plus beaux génies de l’école française, ce qu’on ne crut pas. Le frère aîné, don Juan de Lora, dit à son cousin Gazonal qu’il était la victime d’un plaisant de Paris.

Or, ledit Gazonal se proposant d’aller à Paris pour y suivre un procès que, par un conflit, le préfet des Pyrénées-Orientales avait arraché de la juridiction ordinaire pour le transporter au Conseil d’État, le provincial se proposa d’éclaircir le fait, et de demander raison de son impertinence au peintre parisien. Il arriva que monsieur Gazonal, logé dans un maigre garni de la rue Croix-des-Petits-Champs, fut ébahi de voir le palais de la rue de Berlin. En y apprenant que le maître voyageait en Italie, il renonça momentanément à demander raison, et douta de voir reconnaître sa parenté maternelle par l’homme célèbre.

De 1843 à 1844, Gazonal suivit son procès. Cette contestation relative à une question de cours et de hauteur d’eau, un barrage à enlever, dont se mêlait l’administration soutenue par des riverains, menaçait l’existence même de la fabrique. En 1845, Gazonal regardait ce procès comme entièrement perdu, le secrétaire du Maître des Requêtes chargé de faire le rapport lui ayant confié que ce rapport serait opposé à ses conclusions, et son avocat le lui ayant confirmé. Gazonal, quoique commandant de la garde nationale de sa ville, et l’un des plus habiles fabricants de son département, se