Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/284

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la nuit dernière, fouiller les papiers de mademoiselle de Cinq-Cygne, et peut-être arrêter les gens et les maîtres du château.

— Mademoiselle de Cinq-Cygne, dit Corentin, est, sans doute, protégée par de grands personnages, car j’ai la mission secrète de la prévenir de cette visite, et de tout faire pour la sauver, sans me compromettre. Une fois sur le terrain, je ne serai plus le maître, je ne suis pas seul, ainsi courez au château.

Cette visite du maire au milieu de la soirée étonna d’autant plus les joueurs, que Goulard leur montrait une figure bouleversée.

— Où se trouve la comtesse ? demanda-t-il.

— Elle se couche, dit madame d’Hauteserre.

Le maire incrédule se mit à écouter les bruits qui se faisaient au premier étage.

— Qu’avez-vous aujourd’hui, Goulard ? lui dit madame d’Hauteserre.

Goulard roulait dans les profondeurs de l’étonnement, en examinant ces figures pleines de la candeur qu’on peut avoir à tout âge. À l’aspect de ce calme et de cette innocente partie de boston interrompue, il ne concevait rien aux soupçons de la police de Paris. En ce moment, Laurence, agenouillée dans son oratoire, priait avec ferveur pour le succès de la conspiration ! Elle priait Dieu de prêter aide et secours aux meurtriers de Bonaparte ! Elle implorait Dieu avec amour de briser cet homme fatal ! Le fanatisme des Harmodius, des Judith, des Jacques Clément, des Ankastroën, des Charlotte Corday, des Limoëlan animait cette belle âme, vierge et pure, Catherine préparait le lit, Gothard fermait les volets, en sorte que Marthe Michu, arrivée sous les fenêtres de Laurence, et qui y jetait des cailloux, put être remarquée.

— Mademoiselle, il y a du nouveau, dit Gothard en voyant une inconnue.

— Silence ! dit Marthe à voix basse, venez me parler.

Gothard fut dans le jardin en moins de temps qu’un oiseau n’en aurait mis à descendre d’un arbre à terre.

— Dans un instant le château sera cerné par la gendarmerie. Toi, dit-elle à Gothard, selle sans bruit le cheval de Mademoiselle, et fais-le descendre par la brèche de la douve, entre cette tour et les écuries.

Marthe tressaillit en voyant à deux pas d’elle Laurence qui suivit Gothard.