Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/310

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pour savoir si elle ne serait pas composée de deux planches creuses.

— Oh ! mon Dieu, dit-elle à Peyrade en lui arrachant le dessus, ne la brisez pas, tenez.

Elle prit une épingle, poussa la tête d’une figure, les deux planches chassées par un ressort se disjoignirent, et celle qui était creuse offrit les deux miniatures de messieurs de Simeuse en uniforme de l’armée de Condé, deux portraits sur ivoire faits en Allemagne. Corentin, qui se trouvait face à face avec un adversaire digne de toute sa colère, attira par un geste Peyrade dans un coin et conféra secrètement avec lui.

— Vous jetiez cela au feu, dit l’abbé Goujet à Laurence en lui montrant par un regard la lettre de la marquise et les cheveux.

Pour toute réponse, la jeune fille haussa significativement les épaules. Le curé comprit qu’elle sacrifiait tout pour amuser les espions et gagner du temps, et il leva les yeux au ciel par un geste d’admiration.

— Où donc a-t-on arrêté Gothard que j’entends pleurer ? lui dit-elle assez haut pour être entendue.

— Je ne sais pas, répondit le curé.

— Était-il allé à la ferme ?

— La ferme ! dit Peyrade à Corentin. Envoyons-y du monde.

— Non, reprit Corentin, cette fille n’aurait pas confié le salut de ses cousins à un fermier. Elle nous amuse. Faites ce que je vous dis, afin qu’après avoir commis la faute de venir ici, nous en remportions au moins quelques éclaircissements.

Corentin vint se mettre devant la cheminée, releva les longues basques pointues de son habit pour se chauffer, et prit l’air, le ton, les manières d’un homme qui se trouve en visite.

— Mesdames, vous pouvez vous coucher, et vos gens également. Monsieur le maire, vos services nous sont maintenant inutiles. La sévérité de nos ordres ne nous permet pas d’agir autrement que nous venons de le faire ; mais quand toutes les murailles, qui me semblent bien épaisses, seront examinées, nous partirons.

Le maire salua la compagnie et sortit. Ni le curé ni mademoiselle Goujet ne bougèrent. Les gens étaient trop inquiets pour ne pas suivre le sort de leur jeune maîtresse. Madame d’Hauteserre qui, depuis l’arrivée de Laurence, l’étudiait avec la curiosité d’une mère au désespoir, se leva, la prit par le bras, l’emmena