Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/336

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quatre gentilshommes à ne plus chasser et à se tenir cois chez eux.

— Vous regardez toujours les domaines de Gondreville comme à vous, dit-il à messieurs de Simeuse, vous ravivez ainsi une haine terrible. Je vois, à votre étonnement, que vous ignorez qu’il existe contre vous de mauvais vouloirs à Troyes, où l’on se souvient de votre courage. Personne ne se gêne pour raconter comment vous avez échappé aux recherches de la Police générale de l’Empire, les uns en vous louant, les autres en vous regardant comme les ennemis de l’Empereur. Quelques séides S’étonnent de la clémence de Napoléon envers vous. Ceci n’est rien. Vous avez joué des gens qui se croyaient plus fins que vous, et les gens de bas étage ne pardonnent jamais. Tôt ou tard, la Justice, qui dans votre département procède de votre ennemi le sénateur Malin, car il a placé partout ses créatures, même les officiers ministériels, sa justice donc sera très contente de vous trouver engagés dans une mauvaise affaire. Un paysan vous cherchera querelle sur son champ quand vous y serez, vous aurez des armes chargées, vous êtes vifs, un malheur est alors bientôt arrivé. Dans votre position, il faut avoir cent fois raison pour ne pas avoir tort. Je ne vous parle pas ainsi sans raison. La Police surveille toujours l’arrondissement ou vous êtes et maintient un commissaire dans ce petit trou d’Arcis, exprès pour protéger le sénateur de l’Empire contre vos entreprises. Il a peur de vous, et il le dit.

— Mais il nous calomnie ! s’écria le cadet des Simeuse.

— Il vous calomnie ! Je le crois, moi ! Mais que croit le public ? voilà l’important. Michu a mis en joue le sénateur, qui ne l’a pas oublié. Depuis votre retour, la comtesse a pris Michu chez elle. Pour bien des gens, et pour la majeure partie du public, Malin a donc raison. Vous ignorez combien la position des émigrés est délicate en face de ceux qui se trouvent posséder leurs biens. Le préfet, homme d’esprit, m’a touché deux mots de vous, hier, qui m’ont inquiété. Enfin, je ne voudrais pas vous voir ici…

Cette réponse fut accueillie par une profonde stupéfaction. Marie-Paul sonna vivement.

— Gothard, dit-il au petit bonhomme qui vint, allez chercher Michu.

L’ancien régisseur de Gondreville ne se fit pas attendre.

— Michu, mon ami, dit le marquis de Simeuse, est-il vrai que tu aies voulu tuer Malin ?