Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/337

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— Oui, monsieur le marquis ; et quand il reviendra, je le guetterai.

— Sais-tu que nous sommes soupçonnés de t’avoir aposté, que notre cousine, en te prenant pour fermier, est accusée d’avoir trempé dans ton dessein ?

— Bonté du ciel ! s’écria Michu, je suis donc maudit ? Je ne pourrai donc jamais vous défaire tranquillement de Malin ?

— Non, mon garçon, non, reprit Paul-Marie, mais il va falloir quitter le pays et notre service, nous aurons soin de toi ; nous te mettrons en position d’augmenter ta fortune. Vends tout ce que tu possèdes ici, réalise tes fonds, nous t’enverrons à Trieste chez un de nos amis qui a de vastes relations, et qui t’emploiera très utilement jusqu’à ce qu’il fasse meilleur ici pour nous tous.

Des larmes vinrent aux yeux de Michu qui resta cloué sur la feuille du parquet où il était.

— Y avait-il des témoins, quand tu t’es embusqué pour tirer sur Malin ? demanda le marquis de Chargebœuf.

— Grévin le notaire causait avec lui, c’est ce qui m’a empêché de le tuer, et bien heureusement ! Madame la comtesse sait le pourquoi, dit Michu en regardant sa maîtresse.

— Ce Grévin n’est pas le seul à le savoir ? dit monsieur de Chargebœuf qui parut contrarié de cet interrogatoire quoique fait en famille.

— Cet espion qui, dans le temps, est venu pour entortiller mes maîtres le savait aussi, répondit Michu.

Monsieur de Chargebœuf se leva comme pour regarder les jardins, et dit : — Mais vous avez bien tiré parti de Cinq-Cygne. Puis il sortit suivi par les deux frères et par Laurence qui devinèrent le sens de cette interrogation.

— Vous êtes francs et généreux, mais toujours imprudents, leur dit le vieillard. Que je vous avertisse d’un bruit public qui doit être une calomnie, rien de plus naturel ; mais voilà que vous en faites une vérité pour des gens faibles comme monsieur, madame d’Hauteserre, et pour leurs fils. Oh ! jeunes gens, jeunes gens ! Vous devriez laisser Michu ici, et vous en aller, vous ! Mais, en tout cas, si vous restez dans ce pays, écrivez un mot au sénateur au sujet de Michu, dites-lui que vous venez d’apprendre par moi les bruits qui couraient sur votre fermier et que vous l’avez renvoyé.

— Nous ! s’écrièrent les deux frères, écrire à Malin, à l’assassin