Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/347

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le moment d’être reçu par le sénateur et Grévin, pour traiter l’affaire relative à la prorogation de son bail. En ce moment, cinq hommes masqués et gantés, qui, par la taille, les manières et l’allure, ressemblaient à messieurs d’Hauteserre, de Simeuse et à Michu, fondirent sur le valet de chambre et sur Violette, auxquels ils mirent un mouchoir en forme de bâillon, et qu’ils attachèrent à des chaises dans une office. Malgré la célérité des agresseurs, l’opération ne se fit pas sans que le valet de chambre et Violette eussent poussé chacun un cri. Ce cri fut entendu dans le salon. Les deux femmes voulurent y reconnaître un cri d’alarme.

— Écoutez ! dit madame Grévin, voici des voleurs.

— Bah ! c’est un cri de mi-carême ! dit Grévin, nous allons avoir les masques au château.

Cette discussion donna le temps aux cinq inconnus de fermer les portes du côté de la cour d’honneur, et d’enfermer le valet de chambre et Violette. Madame Grévin, femme assez entêtée, voulut absolument savoir la cause du bruit ; elle se leva et donna dans les cinq masques, qui la traitèrent comme ils avaient arrangé Violette et le valet de chambre ; puis ils entrèrent avec violence dans le salon, où les deux plus forts s’emparèrent du comte de Gondreville, le bâillonnèrent et l’enlevèrent par le parc, tandis que les trois autres liaient et bâillonnaient également madame Marion et le notaire chacun sur un fauteuil. L’exécution de cet attentat ne prit pas plus d’une demi-heure. Les trois inconnus, bientôt rejoints par ceux qui avaient emporté le sénateur, fouillèrent le château de la cave au grenier. Ils ouvrirent toutes les armoires sans crocheter aucune serrure ; ils sondèrent les murs, et furent enfin les maîtres jusqu’à cinq heures du soir. En ce moment, le valet de chambre acheva de déchirer avec ses dents les cordes qui liaient les mains de Violette. Violette, débarrassé de son bâillon, se mit à crier au secours. En entendant ces cris, les cinq inconnus rentrèrent dans les jardins, sautèrent sur des chevaux semblables à ceux de Cinq-Cygne, et se sauvèrent, mais pas assez lestement pour empêcher Violette de les apercevoir. Après avoir détaché le valet de chambre, qui délia les femmes et le notaire, Violette enfourcha son bidet, et courut après les malfaiteurs. En arrivant au pavillon, il fut aussi stupéfait de voir les deux battants de la grille ouverts que de voir mademoiselle de Cinq-Cygne en vedette.

Quand la jeune comtesse eut disparu, Violette fut rejoint par