Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/361

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Lechesneau et Pigoult ne partirent qu’après avoir interrogé Catherine, monsieur, madame d’Hauteserre et Laurence. Les Durieu, Catherine et Marthe déclarèrent n’avoir vu leurs maîtres qu’au déjeuner ; monsieur d’Hauteserre déclara les avoir vus à trois heures. Quand, à minuit, Laurence se vit entre monsieur et madame d’Hauteserre, devant l’abbé Goujet et sa sœur, sans les quatre jeunes gens qui, depuis dix-huit mois, étaient la vie de ce château, son amour et sa joie, elle garda pendant long-temps un silence que personne n’osa rompre. Jamais affliction ne fut plus profonde ni plus complète, Enfin, on entendit un soupir, on regarda.

Marthe, oubliée dans un coin, se leva, disant : — La mort ! madame ?… On nous les tuera, malgré leur innocence.

— Qu’avez-vous fait ! dit le curé.

Laurence sortit sans répondre. Elle avait besoin de la solitude pour retrouver sa force, au milieu de ce désastre imprévu.

CHAPITRE III.

UN PROCÈS POLITIQUE SOUS L’EMPIRE..

À trente-quatre ans de distance, pendant lesquels il s’est fait trois grandes révolutions, les vieillards seuls peuvent se rappeler aujourd’hui le tapage inouï produit en Europe par l’enlèvement d’un sénateur de l’Empire français. Aucun procès, si ce n’est ceux de Trumeau, l’épicier de la place Saint-Michel et celui de la veuve Morin, sous l’Empire ; ceux de Fualdès et de Castaing, sous 1a Restauration ; ceux de madame Lafarge et Fieschi, sous le gouvernement actuel, n’égala en intérêt et en curiosité celui des jeunes gens accusés de l’enlèvement de Malin, Un pareil attentat contre un membre de son Sénat excita la colère de l'Empereur, à qui l’on apprit l’arrestation des délinquants presque en même temps que la perpétration du délit et le résultat négatif des recherches. La forêt fouillée dans ses profondeurs, l’Aube et les départements environnants parcourus dans toute leur étendue, n’offrirent pas le moindre indice du passage ou de la séquestration du comte de Gondreville. Le grand-juge, mandé par Napoléon, vint après avoir pris des renseignements auprès du ministre de la police, et lui expliqua la position de Malin vis-à-vis des Simeuse. L’Empe-