Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/422

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— Il dort, dis-je à Juste en remarquant ce fait le premier.

— À sept heures, me répondit le docteur.

Tel était le nom que je donnais à Juste, qui m’appelait le garde des sceaux.

— Il faut être bien malheureux pour dormir autant que dort notre voisin, dis-je en sautant sur notre commode avec un énorme couteau dans le manche duquel il y avait un tire-bouchon. Je lis en haut de la cloison un trou rond, de la grandeur d’une pièce de cinq sous. Je n’avais pas songé qu’il n’y avait pas de lumière, et quand j’appliquai l’œil au trou, je ne vis que des ténèbres. Quand vers une heure du matin, ayant achevé de lire nos romans, nous allions nous déshabiller, nous entendîmes du bruit chez notre voisin : il se leva, fit détoner une allumette phosphorique et alluma sa chandelle. Je remontai sur la commode. Je vis alors Marcas assis à sa table et copiant des pièces de procédure ; sa chambre était moitié moins grande que la nôtre, le lit occupait un enfoncement à côté de la porte ; car l’espace pris par le corridor, qui finissait à son bouge, se trouvait en plus chez lui ; mais le terrain sur lequel la maison était bâtie devait être tronqué, le mur mitoyen se terminait en trapèze à sa mansarde. Il n’avait pas de cheminée, mais un petit poêle en faïence blanche ondée de taches vertes, et dont le tuyau sortait sur le toit. La fenêtre pratiquée dans le trapèze avait de méchants rideaux roux. Un fauteuil, une table et une misérable table de nuit composaient le mobilier. Il mettait son linge dans un placard. Le papier tendu sur les murs était hideux. Évidemment on n’avait jamais logé là qu’un domestique jusqu’à ce que Marcas y fût venu.

— Qu’as-tu, me demanda le docteur en me voyant descendre.

— Vois toi-même ! lui répondis-je.

Le lendemain matin, à neuf heures, Marcas était couché. Il avait déjeuné d’un cervelas : nous vîmes sur une assiette, parmi des miettes de pain, les restes de cet aliment qui nous était bien connu. Marcas dormait. Il ne s’éveilla que vers onze heures. Il se remit à la copie faite pendant la nuit, et qui était sur la table. En descendant, nous demandâmes quel était le prix de cette chambre, nous apprîmes qu’elle coûtait quinze francs par mois. En quelques jours, nous connûmes parfaitement le genre d’existence de Z. Marcas. Il faisait des expéditions, à tant le rôle sans doute, pour le compte d’un entrepreneur d’écritures qui demeurait dans la cour de la