Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/460

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donnée par madame de La Chanterie, et qui, pour un prix modique, s’engagea, dans la semaine, à blanchir les plafonds, nettoyer les fenêtres, peindre toutes les boiseries en bois de Spa et mettre le carreau en couleur. Godefroid prit la mesure des pièces pour y mettre partout le même tapis, un tapis vert de l’espèce la moins chère. Il voulait l’uniformité la plus simple dans cette cellule. Madame de La Chanterie approuva cette idée. Elle calcula, Manon aidant, ce qu’il fallait de calicot blanc pour les rideaux des fenêtres et pour ceux d’un modeste lit en fer ; puis elle se chargea de les faire acheter et confectionner à un prix dont la modicité surprit Godefroid. Avec les meubles qu’il apportait, son appartement restauré ne lui coûterait pas plus de six cents francs.

— Je pourrai donc en porter mille environ chez monsieur Mongenod.

— Nous menons ici, lui dit alors madame de La Chanterie, une vie chrétienne qui, vous le savez, s’accorde mal avec beaucoup de superfluités, et je crois que vous en conservez encore trop.

En donnant ce conseil à son futur pensionnaire, elle regardait un diamant qui brillait à l’anneau dans lequel était passée la cravate bleue de Godefroid.

— Je ne vous en parle, reprit-elle, qu’en vous voyant dans l’intention de rompre avec la vie dissipée dont vous vous êtes plaint à monsieur Mongenod.

Godefroid contemplait madame de La Chanterie en savourant les harmonies d’une voix limpide ; il examinait ce visage entièrement blanc, digne d’une de ces Hollandaises graves et froides que le pinceau de l’école flamande a si bien reproduites, et chez lesquelles les rides sont impossibles.

— Blanche et grasse ! se disait-il en s’en allant ; mais elle a bien des cheveux blancs…

Godefroid, comme toutes les natures faibles, s’était fait facilement à une nouvelle vie en la croyant tout heureuse, et il avait hâte de venir rue Chanoinesse ; néanmoins il eut une pensée de prudence, ou de défiance si vous voulez. Deux jours avant son installation, il retourna chez monsieur Mongenod pour prendre quelques renseignements sur la maison où il allait entrer. Pendant le peu d’instants qu’il passait dans son futur logement pour examiner les changements qui s’y faisaient, il avait remarqué les allées et venues de plusieurs gens dont la mine et la tournure, sans être mystérieu-