Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/52

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pour se découvrir et se tuer. Un procès-verbal, ce n’est donc plus que les cendres de l’incendie.

— Quels sont vos véritables noms ? demanda Camusot à Jacques Collin.

— Don Carlos Herrera, chanoine du chapitre royal de Tolède, envoyé secret de Sa Majesté Ferdinand VII.

Il faut faire observer ici que Jacques Collin parlait le français comme une vache espagnole, en baragouinant de manière à rendre ses réponses presque inintelligibles et à s’en faire demander la répétition. Les germanismes de monsieur de Nucingen ont déjà trop émaillé cette Scène pour y mettre d’autres phrases soulignées difficiles à lire, et qui nuiraient à la rapidité d’un dénoûment.

— Vous avez des papiers qui constatent les qualités dont vous parlez ? demanda le juge.

— Oui, monsieur, un passe-port, une lettre de Sa Majesté Catholique qui autorise ma mission… Enfin, vous pouvez envoyer immédiatement à l’ambassade d’Espagne deux mots que je vais écrire devant vous, je serai réclamé. Puis, si vous aviez besoin d’autres preuves, j’écrirais à son Éminence le grand aumônier de France, et il enverrait aussitôt ici son secrétaire particulier.

— Vous prétendez-vous toujours mourant ? dit Camusot. Si vous aviez véritablement éprouvé les souffrances dont vous vous êtes plaint depuis votre arrestation, vous devriez être mort, reprit le juge avec ironie.

— Vous faites le procès au courage d’un innocent, et à la force de son tempérament ! répondit avec douceur le prévenu.

— Coquart, sonnez ! faites venir le médecin de la Conciergerie et un infirmier. Nous allons être obligés de vous ôter votre redingote et de procéder à la vérification de la marque sur votre épaule… reprit Camusot.

— Monsieur, je suis entre vos mains.

Le prévenu demanda si son juge aurait la bonté de lui expliquer ce qu’était cette marque, et pourquoi la chercher sur son épaule ? Le juge s’attendait à cette question.

— Vous êtes soupçonné d’être Jacques Collin, forçat évadé, dont l’audace ne recule devant rien, pas même devant le sacrilège… dit vivement le juge en plongeant son regard dans les yeux du prévenu.