Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/130

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leur fanatisme par d’adroites prédications. Vous le voyez : il faut employer les intérêts particuliers de chacun pour arriver à un grand but. Là sont tous les secrets de la politique.

— Et ce vieillard encore vert, tout musculeux, dont la figure est si repoussante ? Tenez, là, l’homme habillé avec les lambeaux d’une robe d’avocat.

— Avocat ? il prétend au grade de maréchal de camp. N’avez-vous pas entendu parler de Longuy ?

— Ce serait lui ! dit mademoiselle de Verneuil effrayée. Vous vous servez de ces hommes !

— Chut ! il peut vous entendre. Voyez-vous cet autre en conversation criminelle avec madame du Gua…

— Cet homme en noir qui ressemble à un juge ?

— C’est un de nos négociateurs, la Billardière fils d’un conseiller au parlement de Bretagne, dont lé nom est quelque chose comme Flamet ; mais il a la confiance des princes.

— Et son voisin, celui qui serre en ce moment sa pipe de terre blanche, et qui appuie tous les doigts de sa main droite sur le panneau comme un pacant ? dit mademoiselle de Verneuil en riant.

— Vous l’avez, pardieu, deviné, c’est l’ancien garde-chasse du défunt mari de cette dame. Il commande une des compagnies que j’oppose aux bataillons mobiles. Lui et Marche-à-terre sont peut-être les plus consciencieux serviteurs que le Roi ait ici.

— Mais elle, qui est-elle ?

— Elle, reprit le marquis, elle est la dernière maîtresse qu’ait eut Charette. Elle possède une grande influence sur tout ce monde.

— Lui est-elle restée fidèle ?

Pour toute réponse le marquis fit une petite moue dubitative.

— Et l’estimez-vous ?

— Vous êtes effectivement bien curieuse.

— Elle est mon ennemie parce qu’elle ne peut plus être ma rivale, dit en riant mademoiselle de Verneuil, je lui pardonne ses erreurs passées, qu’elle me pardonne les miennes. Et cet officier à moustaches ?

— Permettez-moi de ne pas le nommer. Il veut se défaire du premier Consul en l’attaquant à main armée ? Qu’il réussisse ou non, vous le connaîtrez, il deviendra célèbre.

— Et vous êtes venu commander à de pareilles gens ?… dit-elle