Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/194

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mon consentement, et j’ai trop de curiosité pour vous laisser fusiller maintenant.

— Et si j’allais m’entêter à garder le silence, répondit-il gaiement.

— Avec une femme honnête, peut-être, mais avec une fille ! allons donc, monsieur le comte, impossible. Ces mots, remplis d’une ironie amère, furent sifflés, comme dit Sully en parlant de la duchesse de Beaufort, d’un bec si affilé, que le gentilhomme, étonné, se contenta de regarder sa cruelle antagoniste. — Tenez, reprit-elle d’un air moqueur, pour ne pas vous démentir, je vais être comme ces créatures-là, bonne fille. Voici d’abord votre carabine. Et elle lui présenta son arme par un geste doucement moqueur.

— Foi de gentilhomme, vous agissez, mademoiselle…

— Ah ! dit-elle en l’interrompant, j’ai assez de la foi des gentilshommes. C’est sur cette parole que je suis entrée à la Vivetière. Votre chef m’avait juré que moi et mes gens nous y serions en sûreté.

— Quelle infamie ! s’écria Hulot en fronçant les sourcils.

— La faute en est à M. le comte, reprit-elle en montrant le gentilhomme à Hulot. Certes, le Gars avait bonne envie de tenir sa parole ; mais monsieur a répandu sur moi je ne sais quelle calomnie qui a confirmé toutes celles qu’il avait plu à la Jument de Charette de supposer…

— Mademoiselle, dit le comte tout troublé, la tête sous la hache, j’affirmerais n’avoir dit que la vérité…

— En disant quoi ?

— Que vous aviez été la…

— Dites le mot, la maîtresse…

— Du marquis de Lenoncourt, aujourd’hui le duc, l’un de mes amis, répondit le comte.

— Maintenant je pourrais vous laisser aller au supplice, reprit-elle sans paraître émue de l’accusation consciencieuse du comte, qui resta stupéfait de l’insouciance apparente ou feinte qu’elle montrait pour ce reproche. Mais, reprit-elle en riant, écartez pour toujours la sinistre image de ces morceaux de plomb, car vous ne m’avez pas plus offensée que cet ami de qui vous voulez que j’aie été… fi donc ! Écoutez monsieur le comte, n’êtes-vous pas venu chez mon père, le duc de Verneuil ? Eh ! bien ?