Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/212

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Verneuil se serait amusée à voir ce qu’est un paysan breton sorti de sa paroisse ; mais elle rompit le charme en tirant de sa bourse quatre écus de six francs qu’elle lui présenta.

— Prends donc ! dit-elle à Galope-chopine ; et, si tu veux m’obliger, tu retourneras sur-le-champ à Fougères, sans passer par le camp et sans goûter au cidre.

Le Chouan, étonné d’une telle libéralité, regardait tour à tour les quatre écus qu’il avait pris et mademoiselle de Verneuil ; mais elle fit un geste de main, et il disparut.

— Comment pouvez-vous le renvoyer, mademoiselle ! demanda Francine. N’avez-vous pas vu comme la ville est entourée, comment la quitterons-nous, et qui vous protégera ici ?…

— N’as-tu pas ton protecteur ? dit mademoiselle de Verneuil en sifflant sourdement d’une manière moqueuse à la manière de Marche-à-terre, de qui elle essaya de contrefaire l’attitude.

Francine rougit et sourit tristement de la gaieté de sa maîtresse.

— Mais où est le vôtre ? demanda-t-elle.

Mademoiselle de Verneuil tira brusquement son poignard, et le montra à la Bretonne effrayée qui se laissa aller sur une chaise, en joignant les mains.

— Qu’êtes-vous donc venue chercher ici, Marie ! s’écria-t-elle d’une voix suppliante qui ne demandait pas de réponse.

Mademoiselle de Verneuil était occupée à contourner les branches de houx qu’elle avait cueillies, et disait : — Je ne sais pas si ce houx sera bien joli dans les cheveux. Un visage aussi éclatant que le mien peut seul supporter une si sombre coiffure, qu’en dis-tu, Francine ?

Plusieurs propos semblables annoncèrent la plus grande liberté d’esprit chez cette singulière fille pendant qu’elle fit sa toilette. Qui l’eût écoutée, aurait difficilement cru à la gravité de ce moment où elle jouait sa vie. Une robe de mousseline des Indes, assez courte et semblable à un linge mouillé, révéla les contours délicats de ses formes ; puis elle mit un pardessus rouge dont les plis nombreux et graduellement plus allongés à mesure qu’ils tombaient sur le côté, dessinèrent le cintre gracieux des tuniques grecques. Ce voluptueux vêtement des prêtresses païennes rendit moins indécent ce costume que la mode de cette époque permettait aux femmes de porter. Pour atténuer l’impudeur de la mode, Marie couvrit d’une gaze ses blanches épaules que la tunique laissait à nu beaucoup trop bas. Elle tourna les longues nattes de ses cheveux de manière