Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/216

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jeune marquis achevait sa toilette et passait le large ruban rouge qui devait servir à le faire reconnaître comme le premier personnage de cette assemblée, lorsque l’abbé Gudin entra d’un air inquiet.

— Monsieur le marquis, venez vite, lui dit-il. Vous seul pourrez calmer l’orage qui s’est élevé, je ne sais à quel propos, entre les chefs. Ils parlent de quitter le service du Roi. Je crois que ce diable de Rifoël est cause de tout le tumulte. Ces querelles-là sont toujours causées par une niaiserie. Madame du Gua lui a reproché, m’a-t-on dit, d’arriver très-mal mis au bal.

— Il faut que cette femme soit folle, s’écria le marquis, pour vouloir…

— Le chevalier du Vissard, reprit l’abbé en interrompant le chef, a répliqué que si vous lui aviez donné l’argent promis au nom du Roi…

— Assez, assez, monsieur l’abbé. Je comprends tout, maintenant. Cette scène a été convenue, n’est-ce pas, et vous êtes l’ambassadeur…

— Moi, monsieur le marquis ! reprit l’abbé en interrompant encore, je vais vous appuyer vigoureusement, et vous me rendrez, j’espère, la justice de croire que le rétablissement de nos autels en France, celui du Roi sur le trône de ses pères, sont pour mes humbles travaux de bien plus puissants attraits que cet évêché de Rennes que vous…

L’abbé n’osa poursuivre, car à ces mots le marquis s’était mis à sourire avec amertume. Mais le jeune chef réprima aussitôt la tristesse des réflexions qu’il faisait, son front prit une expression sévère, et il suivit l’abbé Gudin dans une salle où retentissaient de violentes clameurs.

— Je ne reconnais ici l’autorité de personne, s’écriait Rifoël en jetant des regards enflammés à tous ceux qui l’entouraient et en portant la main à la poignée de son sabre.

— Reconnaissez-vous celle du bon sens ? lui demanda froidement le marquis.

Le jeune chevalier du Vissard, plus connu sous son nom patronymique de Rifoël, garda le silence devant le général des armées catholiques.

— Qu’y a-t-il donc, messieurs ? dit le jeune chef en examinant tous les visages.