Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/224

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me plaindre de la roideur de votre correspondance… Hé ! bien, j’excuse tout, grâce au service que vous m’avez rendu.

Madame du Gua perdit contenance en se sentant presser la main par sa belle rivale qui lui souriait avec une grâce insultance. Le marquis était resté immobile, mais en ce moment il saisit fortement le bras du comte.

— Vous m’avez indignement trompé, lui dit-il, et vous avez compromis jusqu’à mon honneur ; je ne suis pas un Géronte de comédie, et il me faut votre vie ou vous aurez la mienne.

— Marquis, reprit le comte avec hauteur, je suis prêt à vous donner toutes les explications que vous désirerez.

Et ils se dirigèrent vers la pièce voisine. Les personnes les moins initiées au secret de cette scène commençaient à en comprendre l’intérêt, en sorte que quand les violons donnèrent le signal de la danse, personne ne bougea.

— Mademoiselle, quel service assez important ai-je donc eu l’honneur de vous rendre, pour mériter… reprit madame du Gua en se pinçant les lèvres avec une sorte de rage.

— Madame, ne m’avez-vous pas éclairée sur le vrai caractère du marquis de Montauran. Avec quelle impassibilité cet homme affreux me laissait périr. Je vous l’abandonne bien volontiers.

— Que venez-vous donc chercher ici ? dit vivement madame du Gua.

— L’estime et la considération que vous m’aviez enlevées à la Vivetière, madame. Quant au reste, soyez bien tranquille. Si le marquis revenait à moi, vous devez savoir qu’un retour n’est jamais de l’amour.

Madame du Gua prit alors la main de mademoiselle de Verneuil avec cette affectueuse gentillesse de mouvement que les femmes déploient volontiers entre elles, surtout en présence des hommes.

— Eh ! bien, ma pauvre petite, je suis enchantée de vous voir si raisonnable. Si le service que je vous ai rendu a été d’abord bien rude, dit-elle en pressant la main qu’elle tenait quoiqu’elle éprouvât l’envie de la déchirer lorsque ses doigts lui en révélèrent la moelleuse finesse, il sera du moins complet. Écoutez, je connais le caractère du Gars, dit-elle avec un sourire perfide, eh ! bien, il vous aurait trompée, il ne veut et ne peut épouser personne.

— Ah !…

— Oui, mademoiselle, il n’a accepté sa dangereuse mission que