Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/229

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— Eh ! bien, à quoi cela vous a-t-il servi ?… dit-elle.

Elle fit de la charpie avec son mouchoir, et en garnit une plaie peu profonde que le marquis couvrit bientôt de son gant. Madame du Gua arriva sur la pointe du pied dans le salon de jeu, et jeta de furtifs regards sur les deux amants, aux yeux desquels elle échappa avec adresse en se penchant en arrière à leurs moindres mouvements ; mais il lui était certes difficile de s’expliquer les propos des deux amants par ce qu’elle leur voyait faire.

— Si tout ce qu’on vous a dit de moi était vrai, avouez qu’en ce moment je serais bien vengée, dit Marie avec une expression de malignité qui fit pâlir le marquis.

— Et par quel sentiment avez-vous donc été amenée ici ?

— Mais, mon cher enfant, vous êtes un bien grand fat. Vous croyez donc pouvoir impunément mépriser une femme comme moi ? — Je venais et pour vous et pour moi, reprit-elle après une pause en mettant la main sur la touffe de rubis qui se trouvait au milieu de sa poitrine, et lui montrant la lame de son poignard.

— Qu’est-ce que tout cela signifie ? pensait madame du Gua.

— Mais, dit-elle en continuant, vous m’aimez encore ! Vous me désirez toujours du moins, et la sottise que vous venez de faire, ajouta-t-elle en lui prenant la main, m’en a donné la preuve. Je suis redevenue ce que je voulais être, et je pars heureuse. Qui nous aime est toujours absous. Quant à moi, je suis aimée, j’ai reconquis l’estime de l’homme qui représente à mes yeux le monde entier, je puis mourir.

— Vous m’aimez donc encore ? dit le marquis.

— Ai-je dit cela ? répondit-elle d’un air moqueur en suivant avec joie les progrès de l’affreuse torture que dès son arrivée elle avait commencé à faire subir au marquis. N’ai-je pas dû faire des sacrifices pour venir ici ! J’ai sauvé M. de Bauvan de la mort, et, plus reconnaissant, il m’a offert, en échange de ma protection, sa fortune et son nom. Vous n’avez jamais eu cette pensée.

Le marquis, étourdi par ces derniers mots, réprima la plus violente colère à laquelle il eût encore été en proie, en se croyant joué par le comte, et il ne répondit pas.

— Ha !… vous réfléchissez ? reprit-elle avec un sourire amer.

— Mademoiselle, reprit le jeune homme, votre doute justifie le mien.

— Monsieur, sortons d’ici, s’écria mademoiselle de Verneuil en