Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/245

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changement opéré sur la figure de Hulot. Il avait l’air d’un portrait qui ne ressemble plus à l’original.

— Qu’y a-t-il donc de nouveau ? lui demanda Corentin.

— Viens faire avec nous le coup de fusil et tu le sauras, lui répondit le commandant.

— Oh ! je ne suis pas de Fougères, répliqua Corentin.

— Cela se voit bien, citoyen, lui dit Gudin.

Quelques rires moqueurs partirent de tous les groupes voisins.

— Crois-tu, reprit Corentin, qu’on ne puisse servir la France qu’avec des baïonnettes ?…

Puis il tourna le dos aux rieurs, et s’adressa à une femme pour apprendre le but et la destination de cette expédition.

— Hélas ! mon bon homme, les Chouans sont déjà à Florigny ! On dit qu’ils sont plus de trois mille et s’avancent pour prendre Fougères.

— Florigny ! s’écria Corentin pâlissant. Le rendez-vous n’est pas là ! Est-ce bien, reprit-il, Florigny sur la route de Mayenne ?

— Il n’y a pas deux Florigny, lui répondit la femme en lui montrant le chemin terminé par le sommet de La Pèlerine.

— Est-ce le marquis de Montauran que vous cherchez ? demanda Corentin au commandant.

— Un peu, répondit brusquement Hulot.

— Il n’est pas à Florigny, répliqua Corentin. Dirigez sur ce point votre bataillon et la garde nationale, mais gardez avec vous quelques-uns de vos Contre-Chouans et attendez-moi.

— Il est trop malin pour être fou, s’écria le commandant en voyant Corentin s’éloigner à grands pas. C’est bien le roi des espions !

En ce moment, Hulot donna l’ordre du départ à son bataillon. Les soldats républicains marchèrent sans tambour et silencieusement le long du faubourg étroit qui mène à la route de Mayenne, en dessinant une longue ligne bleue et rouge à travers les arbres et les maisons ; les gardes nationaux déguisés les suivaient ; mais Hulot resta sur la petite place avec Gudin et une vingtaine des plus adroits jeunes gens de la ville, en attendant Corentin dont l’air mystérieux avait piqué sa curiosité. Francine apprit elle-même le départ de mademoiselle de Verneuil à cet espion sagace, dont tous les soupçons se changèrent en certitude, et qui sortit aussitôt pour recueillir des lumières sur une fuite à bon droit suspecte. Instruit