Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/246

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par les soldats de garde au poste Saint-Léonard, du passage de la belle inconnue par le Nid-aux-Crocs, Corentin courut sur la promenade, et y arriva malheureusement assez à propos pour apercevoir de là les moindres mouvements de Marie. Quoiqu’elle eût mis une robe et une capote vertes pour être vue moins facilement, les soubresauts de sa marche presque folle faisaient reconnaître, à travers les haies dépouillées de feuilles et blanches de givre, le point vers lequel ses pas se dirigeaient.

— Ah ! s’écria-t-il, tu dois aller à Florigny et tu descends dans le val de Gibarry ! je ne suis qu’un sot, elle m’a joué. Mais patience, j’allume ma lampe le jour aussi bien que la nuit.

Corentin, devinant alors à peu près le lieu du rendez-vous des deux amants, accourut sur la place au moment où Hulot allait la quitter et rejoindre ses troupes.

— Halte, mon général ! cria-t-il au commandant qui se retourna.

En un instant, Corentin instruisit le soldat des événements dont la trame, quoique cachée, laissait voir quelques-uns de ses fils, et Hulot, frappé par la perspicacité du diplomate, lui saisit vivement le bras.

— Mille tonnerres ! citoyen curieux, tu as raison. Les brigands font là-bas une fausse attaque ! Les deux colonnes mobiles que j’ai envoyées inspecter les environs, entre la route d’Antrain et de Vitré, ne sont pas encore revenues ; ainsi, nous trouverons dans la campagne des renforts qui ne nous seront sans doute pas inutiles, car le Gars n’est pas assez niais pour se risquer sans avoir avec lui ses sacrées chouettes.

— Gudin, dit-il au jeune Fougerais, cours avertir le capitaine Lebrun qu’il peut se passer de moi à Florigny pour y frotter les brigands, et reviens plus vite que ça. Tu connais les sentiers, je t’attends pour aller à la chasse du ci-devant et venger les assassinats de la Vivetière. — Tonnerre de Dieu, comme il court ! reprit-il en voyant partir Gudin qui disparut comme par enchantement. Gérard aurait-il aimé ce garçon-là !

À son retour, Gudin trouva la petite troupe de Hulot augmentée de quelques soldats pris aux différents postes de la ville. Le commandant dit au jeune Fougerais de choisir une douzaine de ses compatriotes les mieux dressés au difficile métier de Contre-Chouan, et lui ordonna de se diriger par la porte Saint-Léonard, afin de