Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/257

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donner. Avant que les Bleus eussent eu le temps de se reconnaître, les Chouans avaient pris pour retranchements les brisures que formaient les arêtes de ces rochers à l’abri desquels ils pouvaient tirer sans danger sur les soldats de Hulot, si ceux-ci faisaient quelque démonstration de vouloir venir les y combattre.

Pendant que Hulot, suivi de quelques soldats, allait lentement vers le petit bois pour y chercher Gudin, les Fougerais demeurèrent pour dépouiller les Chouans morts et achever les vivants. Dans cette épouvantable guerre, les deux partis ne faisaient pas de prisonniers. Le marquis sauvé, les Chouans et les Bleus reconnurent mutuellement la force de leurs positions respectives et l’inutilité de la lutte, en sorte que chacun ne songea plus qu’à se retirer.

— Si je prends ce jeune homme-là, s’écria Hulot en regardant le bois avec attention, je ne veux plus faire d’amis !

— Ah ! ah ! dit un des jeunes gens de Fougères occupé à dépouiller les morts, voilà un oiseau qui a des plumes jaunes.

Et il montrait à ses compatriotes une bourse pleine de pièces d’or qu’il venait de trouver dans la poche d’un gros homme vêtu de noir.

— Mais qu’a-t-il donc là ? reprit un autre qui tira un bréviaire de la redingote du défunt.

— C’est pain bénit, c’est un prêtre ! s’écria-t-il en jetant le bréviaire à terre.

— Le voleur, il nous fait banqueroute, dit un troisième en ne trouvant que deux écus de six francs dans les poches du Chouan qu’il déshabillait.

— Oui, mais il a une fameuse paire de souliers, répondit un soldat qui se mit en devoir de les prendre.

— Tu les auras s’ils tombent dans ton lot, lui répliqua l’un des Fougerais, en les arrachant des pieds du mort et les lançant au tas des effets déjà rassemblés.

Un quatrième Contre-Chouan recevait l’argent, afin de faire les parts lorsque tous les soldats de l’expédition seraient réunis. Quand Hulot revint avec le jeune officier, dont la dernière entreprise pour joindre le Gars avait été aussi périlleuse qu’inutile, il trouva une vingtaine de ses soldats et une trentaine de Contre-Chouans devant onze ennemis morts dont les corps avaient été jetés dans un sillon tracé au bas de la haie.

— Soldats, s’écria Hulot d’une voix sévère, je vous défends