Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/263

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— J’en prendrai soin, dit Marche-à-terre.

— Mes chers camarades, reprit Galope-chopine devenu blême, je ne suis pas en état de mourir. Me laisserez-vous partir sans confession ? Vous avez le droit de prendre ma vie, mais non celui de me faire perdre la bienheureuse éternité.

— C’est juste, dit Marche-à-terre en regardant Pille-miche.

Les deux Chouans restèrent un moment dans le plus grand embarras et sans pouvoir résoudre ce cas de conscience. Galope-chopine écouta le moindre bruit causé par le vent, comme s’il eût conservé quelque espérance. Le son de la goutte de cidre qui tombait périodiquement du tonneau lui fit jeter un regard machinal sur la pièce et soupirer tristement. Tout à coup, Pille-miche prit le patient par un bras, l’entraîna dans un coin et lui dit : — Confesse-moi tous tes péchés, je les redirai à un prêtre de la véritable Église, il me donnera l’absolution ; et s’il y a des pénitences à faire, je les ferai pour toi.

Galope-chopine obtint quelque répit, par sa manière d’accuser ses péchés ; mais, malgré le nombre et les circonstances des crimes, il finit par atteindre au bout de son chapelet.

— Hélas ! dit-il en terminant, après tout, mon cousin, puisque je te parle comme à un confesseur, je t’assure par le saint nom de Dieu, que je n’ai guère à me reprocher que d’avoir, par-ci par-là, un peu trop beurré mon pain, et j’atteste saint Labre que voici au-dessus de la cheminée, que je n’ai rin dit sur le Gars. Non, mes bons amis, je n’ai pas trahi.

— Allons, c’est bon, cousin, relève-toi, tu t’entendras sur tout cela avec le bon Dieu, dans le temps comme dans le temps.

— Mais laissez-moi dire un petit brin d’adieu à Barbe…

— Allons, répondit Marche-à-terre, si tu veux qu’on ne t’en veuille pas plus qu’il ne faut, comporte toi en Breton, et finis proprement.

Les deux Chouans saisirent de nouveau Galope-chopine, le couchèrent sur le banc, où il ne donna plus d’autres signes de résistance que ces mouvements convulsifs produits par l’instinct de l’animal ; enfin il poussa quelques hurlements sourds qui cessèrent aussitôt que le son lourd du couperet eut retenti. La tête fut tranchée d’un seul coup. Marche-à-terre prit cette tête par une touffe de cheveux, sortit de la chaumière, chercha et trouva dans le grossier chambranle de la porte un grand clou autour duquel il tortilla les