Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/284

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supposait pas de bonnes intentions, il rencontra les formes rondes et moelleuses d’une femme.

— Que le diable vous emporte, ma bonne ! dit-il en murmurant. Si vous n’aviez pas eu affaire à moi, vous auriez pu attraper une balle dans la tête… Mais d’où venez-vous et où allez-vous à cette heure-ci ? Êtes-vous muette ? — C’est cependant bien une femme, se dit-il à lui-même.

Le silence devenant suspect, l’inconnue répondit d’une voix qui annonçait un grand effroi : — Ah ! mon bon homme, je revenons de la veillée.

— C’est la prétendue mère du marquis, se dit Corentin. Voyons ce qu’elle va faire.

— Eh ! bien, allez par là, la vieille, reprit-il à haute voix, en feignant de ne pas la reconnaître. À gauche donc, si vous ne voulez pas être fusillée !

Il resta immobile ; mais en voyant madame du Gua qui se dirigea vers la tour du Papegaut, il la suivit de loin avec une adresse diabolique. Pendant cette fatale rencontre, les Chouans s’étaient très habilement postés sur les tas de fumier vers lesquels Marche-à-terre les avait guidés.

— Voilà la Grande Garce ! se dit tout bas Marche-à-terre en se dressant sur ses pieds le long de la tour comme aurait pu faire un ours.

— Nous sommes là, dit-il à la dame.

— Bien ! répondit madame du Gua. Si tu peux trouver une échelle dans la maison dont le jardin aboutit à six pieds au-dessous du fumier, le Gars serait sauvé. Vois-tu cet œil-de-bœuf là-haut ? il donne dans un cabinet de toilette attenant à la chambre à coucher, c’est là qu’il faut arriver. Ce pan de la tour au bas duquel vous êtes, est le seul qui ne soit pas cerné. Les chevaux sont prêts, et si tu as gardé le passage du Nançon, en un quart d’heure nous devons le mettre hors de danger, malgré sa folie. Mais si cette catin veut le suivre, poignardez-la.

Corentin, apercevant dans l’ombre quelques-unes des formes indistinctes qu’il avait d’abord prises pour des pierres, se mouvoir avec adresse, alla sur-le-champ au poste de la porte Saint-Léonard, où il trouva le commandant dormant tout habillé sur le lit de camp.

— Laissez-le donc, dit brutalement Beau-pied à Corentin, il ne fait que de se poser là.