Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/325

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vers le foyer. L’intérieur de cette maison formait une seule chambre éclairée par un mauvais châssis garni de toile. Le sol était en terre battue. La chaise, une table et un grabat composaient tout le mobilier. Jamais le commandant n’avait rien vu de si simple ni de si nu, même en Russie où les cabanes des Mougiks ressemblent à des tanières. Là, rien n’attestait les choses de la vie, il ne s’y trouvait même pas le moindre ustensile nécessaire à la préparation des aliments les plus grossiers. Vous eussiez dit la niche d’un chien sans son écuelle. N’était le grabat, une souquenille pendue à un clou et des sabots garnis de paille, seuls vêtements du malade, cette chaumière eût paru déserte comme les autres. La femme agenouillée, paysanne fort vieille, s’efforçait de maintenir les pieds du malade dans un baquet plein d’une eau brune. En distinguant un pas que le bruit des éperons rendait insolite pour des oreilles accoutumées au marcher monotone des gens de la campagne, l’homme se tourna vers Genestas en manifestant une sorte de surprise, partagée par la vieille.

— Je n’ai pas besoin, dit le militaire, de demander si vous êtes monsieur Benassis. Étranger, impatient de vous voir, vous m’excuserez, monsieur, d’être venu vous chercher sur votre champ de bataille au lieu de vous avoir attendu chez vous. Ne vous dérangez pas, faites vos affaires. Quand vous aurez fini, je vous dirai l’objet de ma visite.

Genestas s’assit à demi sur le bord de la table et garda le silence. Le feu répandait dans la chaumière une clarté plus vive que celle du soleil dont les rayons, brisés par le sommet des montagnes, ne peuvent jamais arriver dans cette partie de la vallée. À la lueur de ce feu, fait avec quelques branches de sapin résineux qui entretenaient une flamme brillante, le militaire aperçut la figure de l’homme qu’un secret intérêt le contraignait à chercher, à étudier, à parfaitement connaître. Monsieur Benassis, le médecin du canton, resta les bras croisés, écouta froidement Genestas, lui rendit son salut, et se retourna vers le malade sans se croire l’objet d’un examen aussi sérieux que le fut celui du militaire.

Benassis était un homme de taille ordinaire, mais large des épaules et large de poitrine. Une ample redingote verte, boutonnée jusqu’au cou, empêcha l’officier de saisir les détails si caractéristiques de ce personnage ou de son maintien ; mais l’ombre et l’immobilité dans laquelle resta le corps servirent à faire ressortir la figure, alors