Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/368

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touffes vertes d’un jasmin planté le long de la porte, et en haut de l’imposte courait le sarment tortueux d’une vigne déjà feuillée. Une jeune fille achevait de balayer le devant de la maison pour obéir à ce vague besoin de parure que commandent les cérémonies, et même la plus triste de toutes. Le fils aîné du mort, jeune paysan de vingt-deux ans, était debout, immobile, appuyé sur le montant de la porte. Il avait dans les yeux des pleurs qui roulaient sans tomber, ou que peut-être il allait par moments essuyer à l’écart. À l’instant où Benassis et Genestas entraient dans la cour après avoir attaché leurs chevaux à l’un des peupliers placés le long du petit mur à hauteur d’appui, par-dessus lequel ils avaient examiné cette scène, la veuve sortait de son étable, accompagnée d’une femme qui portait un pot plein de lait.

— Ayez du courage, ma pauvre Pelletier, disait celle-ci.

— Ah ! ma chère femme, quand on est resté vingt-cinq ans avec un homme, il est bien dur de se quitter ! Et ses yeux se mouillèrent de larmes. Payez-vous les deux sous ? ajouta-t-elle après une pause en tendant la main à la voisine.

— Ah ! tiens, j’oubliais, fit l’autre femme en lui tendant sa pièce. Allons, consolez-vous, ma voisine. Ah ! voilà monsieur Benassis.

— Hé ! bien, ma pauvre mère, allez-vous mieux ? demanda le médecin.

— Dame, mon cher monsieur, dit-elle en pleurant, faut bien aller tout de même. Je me dis que mon homme ne souffrira plus. Il a tant souffert ! Mais entrez donc, messieurs. Jacques ! donne donc des chaises à ces messieurs. Allons, remue-toi. Pardi ! va, tu ne ranimeras pas ton pauvre père, quand tu resterais là pendant cent ans ! Et maintenant, il te faut travailler pour deux.

— Non, non, bonne femme, laissez votre fils tranquille, nous ne nous assiérons pas. Vous avez là un garçon qui aura soin de vous, et bien capable de remplacer son père.

— Va donc t’habiller. Jacques, cria la veuve, ils vont venir le quérir.

— Allons, adieu la mère, dit Benassis.

— Messieurs, je suis votre servante.

— Vous le voyez, reprit le médecin, ici la mort est prise comme un accident prévu qui n’arrête pas le cours de la vie des familles, et le deuil n’y sera même point porté. Dans les villages, personne ne veut faire cette dépense, soit misère, soit économie. Dans les