Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/424

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questions du culte, et tâcher de ranimer le sentiment religieux au cœur des régions moyennes, là où l’on discute le christianisme au lieu d’en pratiquer les maximes. Le philosophisme du riche a été d’un bien fatal exemple pour le pauvre, et a causé de trop longs interrègnes dans le royaume de Dieu. Ce que nous gagnons aujourd’hui sur nos ouailles dépend entièrement de notre influence personnelle, n’est-ce pas un malheur que la foi d’une Commune soit due à la considération qu’y obtient un homme ? Lorsque le christianisme aura fécondé de nouveau l’ordre social, en imprégnant toutes les classes de ses doctrines conservatrices, son culte ne sera plus alors mis en question. Le culte d’une religion est sa forme, les sociétés ne subsistent que par la forme. À vous des drapeaux, à nous la croix…

— Monsieur le curé, je voudrais bien savoir, dit Genestas, en interrompant monsieur Janvier, pourquoi vous empêchez ces pauvres gens de s’amuser à danser le dimanche.

— Monsieur le capitaine, répondit le curé, nous ne haïssons pas la danse en elle-même ; nous la proscrivons comme une cause de l’immoralité qui trouble la paix et corrompt les mœurs de la campagne. Purifier l’esprit de la famille, maintenir la sainteté de ses liens, n’est-ce pas couper le mal dans sa racine ?

— Je sais, dit monsieur Tonnelet, que dans chaque canton il se commet toujours quelques désordres ; mais dans le nôtre ils deviennent rares. Si plusieurs de nos paysans ne se font pas grand scrupule de prendre au voisin un sillon de terre en labourant, ou d’aller couper des osiers chez autrui quand ils en ont besoin, c’est des peccadilles en les comparant aux péchés des gens de la ville. Aussi trouvé-je les paysans de cette vallée très-religieux.

— Oh ! religieux, dit en souriant le curé, le fanatisme n’est pas à craindre ici.

— Mais, monsieur le curé, reprit Cambon, si les gens du bourg allaient tous les matins à la messe, s’ils se confessaient à vous chaque semaine, il serait difficile que les champs fussent cultivés, et trois prêtres ne pourraient suffire à la besogne.

— Monsieur, reprit le curé, travailler, c’est prier. La pratique emporte la connaissance des principes religieux qui font vivre les sociétés.

— Et que faites-vous donc du patriotisme ? dit Genestas.

— Le patriotisme, répondit gravement le curé, n’inspire que