Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/426

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— Monsieur, répondit gravement le prêtre, la religion catholique finit mieux que toute autre les anxiétés humaines ; mais il n’en serait pas ainsi, je vous demanderais ce que vous risquez en croyant à ses vérités.

— Pas grand’chose, dit Genestas.

— Eh ! bien, que ne risquez-vous pas en n’y croyant point ? Mais, monsieur, parlons des intérêts terrestres qui vous touchent le plus. Voyez combien le doigt de Dieu s’est imprimé fortement dans les choses humaines en y touchant par la main de son vicaire. Les hommes ont beaucoup perdu à sortir des voies tracées par le christianisme. L’Église, de laquelle peu de personnes s’avisent de lire l’histoire, et que l’on juge d’après certaines opinions erronées, répandues à dessein dans le peuple, a offert le modèle parfait du gouvernement que les hommes cherchent à établir aujourd’hui. Le principe de l’Élection en a fait longtemps une grande puissance politique. Il n’y avait pas autrefois une seule institution religieuse qui ne fût basée sur la liberté, sur l’égalité. Toutes les voies coopéraient à l’œuvre. Le principal, l’abbé, l’évêque, le général d’ordre, le pape, étaient alors choisis consciencieusement d’après les besoins de l’Église, ils en exprimaient la pensée ; aussi l’obéissance la plus aveugle leur était-elle due. Je tairai les bienfaits sociaux de cette pensée qui a fait les nations modernes, inspiré tant de poëmes, de cathédrales, de statues, de tableaux et d’œuvres musicales, pour vous faire seulement observer que vos élections plébéiennes, le jury et les deux Chambres ont pris racine dans les conciles provinciaux et œcuméniques, dans l’épiscopat et le collége des cardinaux ; à cette différence près, que les idées philosophiques actuelles sur la civilisation me semblent pâlir devant la sublime et divine idée de la communion catholique, image d’une communion sociale universelle, accomplie par le Verbe et par le Fait réunis dans le dogme religieux. Il sera difficile aux nouveaux systèmes politiques, quelque parfaits qu’on les suppose, de recommencer les merveilles dues aux âges où l’Église soutenait l’intelligence humaine.

— Pourquoi ? dit Genestas.

— D’abord, parce que l’élection pour être un principe demande chez les électeurs une égalité absolue, ils doivent être des quantités égales, pour me servir d’une expression géométrique, ce que n’obtiendra jamais la politique moderne. Puis, les grandes choses sociales ne se font que par la puissance des sentiments qui seule