Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/444

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tous ses trésors et des diamants gros comme des œufs de pigeons, marché que le Mameluk, de qui elle était la particulière, quoiqu’il en eût d’autres, avait refusé positivement. Dans ces termes-là, les affaires ne pouvaient donc s’arranger qu’avec beaucoup de combats. Et c’est ce dont on ne s’est pas fait faute, car il y a eu des coups pour tout le monde. Alors, nous nous sommes mis en ligne à Alexandrie, à Giseh et devant les Pyramides. Il a fallu marcher sous le soleil, dans le sable, où les gens sujets d’avoir la berlue voyaient des eaux desquelles on ne pouvait pas boire, et de l’ombre que ça faisait suer. Mais nous mangeons le Mameluk à l’ordinaire, et tout plie à la voix de Napoléon, qui s’empare de la haute et basse Égypte, l’Arabie, enfin jusqu’aux capitales des royaumes qui n’étaient plus, et où il y avait des milliers de statues, les cinq cents diables de la Nature, puis, chose particulière, une infinité de lézards, un tonnerre de pays où chacun pouvait prendre ses arpents de terre, pour peu que ça lui fût agréable. Pendant qu’il s’occupe de ses affaires dans l’intérieur, où il avait idée de faire des choses superbes, les Anglais lui brûlent sa flotte à la bataille d’Aboukir, car ils ne savaient quoi s’inventer pour nous contrarier. Mais Napoléon, qui avait l’estime de l’Orient et de l’Occident, que le pape l’appelait son fils, et le cousin de Mahomet son cher père, veut se venger de l’Angleterre, et lui prendre les Indes, pour se remplacer de sa flotte. Il allait nous conduire en Asie, par la mer Rouge, dans des pays où il n’y a que des diamants, de l’or, pour faire la paie aux soldats, et des palais pour étapes, lorsque le Mody s’arrange avec la peste, et nous l’envoie pour interrompre nos victoires. Halte ! Alors tout le monde défile à c’te parade, d’où l’on ne revient pas sur ses pieds. Le soldat mourant ne peut pas te prendre Saint-Jean-d’Acre, où l’on est entré trois fois avec un entêtement généreux et martial. Mais la peste était la plus forte ; il n’y avait pas à dire : Mon bel ami ! Tout le monde se trouvait très-malade. Napoléon seul était frais comme une rose, et toute l’armée l’a vu buvant la peste sans que ça lui fît rien du tout.

« Ha ça, mes amis, croyez-vous que c’était naturel ?

« Les Mameluks, sachant que nous étions tous dans les ambulances, veulent nous barrer le chemin ; mais, avec Napoléon, c’te farce-là ne pouvait pas prendre. Donc, il dit à ses damnés, à ceux qui avaient le cuir plus dur que les autres : « Allez me nettoyer la route. » Junot, qu’était un sabreur au premier numéro, et son ami