Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/447

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dans la montagne de Moïse, pour lui dire : « Ça va bien. » Puis, à Marengo, le soir de la victoire, pour la seconde fois, s’est dressé devant lui sur ses pieds, l’Homme Rouge, qui lui dit : « Tu verras le monde à tes genoux, et tu seras empereur des Français, roi d’Italie, maître de la Hollande, souverain de l’Espagne, du Portugal, provinces illyriennes, protecteur de l’Allemagne, sauveur de la Pologne, premier aigle de la Légion-d’Honneur, et tout. » Cet Homme Rouge, voyez-vous, c’était son idée, à lui ; une manière de piéton qui lui servait, à ce que disent plusieurs, pour communiquer avec son étoile. Moi, je n’ai jamais cru cela ; mais l’Homme Rouge est un fait véritable, et Napoléon en a parlé lui-même, et a dit qu’il lui venait dans les moments durs à passer, et restait au palais des Tuileries, dans les combles. Donc, au couronnement, Napoléon l’a vu le soir pour la troisième fois, et ils furent en délibération sur bien des choses. Lors, l’empereur va droit à Milan se faire couronner roi d’Italie. Là commence véritablement le triomphe du soldat. Pour lors, tout ce qui savait écrire passe officier. Voilà les pensions, les dotations de duchés qui pleuvent ; des trésors pour l’état-major qui ne coûtaient rien à la France ; et la Légion-d’Honneur fournie de rentes pour les simples soldats, sur lesquels je touche encore ma pension. Enfin, voilà des armées tenues comme il ne s’en était jamais vu. Mais l’empereur, qui savait qu’il devait être l’empereur de tout le monde, pense aux bourgeois, et leur fait bâtir, suivant leurs idées, des monuments de fées, là où il n’y avait pas plus que sur ma main ; une supposition, vous reveniez d’Espagne, pour passer à Berlin ; hé bien ! vous retrouviez des arches de triomphe avec de simples soldats mis dessus en belle sculpture, ni plus ni moins que des généraux. Napoléon, en deux ou trois ans, sans mettre d’impôts sur vous autres, remplit ses caves d’or, fait des ponts, des palais, des routes, des savants, des fêtes, des lois, des vaisseaux, des ports ; et dépense des millions de milliasses, et tant, et tant, qu’on m’a dit qu’il en aurait pu paver la France de pièces de cent sous, si ça avait été sa fantaisie. Alors, quand il se trouve à son aise sur son trône, et si bien le maître de tout, que l’Europe attendait sa permission pour faire ses besoins : comme il avait quatre frères et trois sœurs, il nous dit en manière de conversation, à l’ordre du jour : « Mes enfants, est-il juste que les parents de votre empereur tendent la main ? Non. Je veux qu’ils soient flambants, tout comme moi ! Pour lors, il est de toute nécessité de