Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/499

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comme s’il était à moi. Son grand-père est au diable, il est ruiné, il court avec sa famille entre la Perse et la Russie. Il y a des chances pour qu’il fasse fortune, car il paraît s’entendre au commerce des pierres précieuses. J’ai mis cet enfant au collége ; mais, dernièrement, je l’ai fait si bien manœuvrer dans ses mathématiques pour le colloquer à l’École Polytechnique, et l’en voir sortir avec un bon état, que le pauvre petit bonhomme est tombé malade. Il a la poitrine faible. À entendre les médecins de Paris, il y aurait encore de la ressource s’il courait dans les montagnes, s’il était soigné comme il faut, à tout moment, par un homme de bonne volonté. J’avais donc pensé à vous, et j’étais venu pour faire une reconnaissance de vos idées, de votre train de vie. D’après ce que vous m’avez dit, je ne saurais vous donner ce chagrin-là, quoique nous soyons déjà bons amis.

— Commandant, dit Benassis après un moment de silence amenez-moi l’enfant de Judith. Dieu veut sans doute que je passe par cette dernière épreuve, et je la subirai. J’offrirai ces souffrances au Dieu dont le fils est mort sur la croix. D’ailleurs mes émotions pendant votre récit ont été douces, n’est-ce pas d’un favorable augure ?

Genestas serra vivement les deux mains de Benassis dans les siennes, sans pouvoir réprimer quelques larmes qui humectèrent ses yeux et roulèrent sur ses joues tannées.

— Gardons-nous le secret de tout cela, dit-il.

— Oui, commandant. Vous n’avez pas bu ?

— Je n’ai pas soif, répondit Genestas. Je suis tout bête.

— Hé ! bien, quand me l’amènerez-vous ?

— Mais demain, si vous voulez. Il est à Grenoble depuis deux jours.

— Hé bien ! partez demain matin et revenez, je vous attendrai chez la Fosseuse, où nous déjeunerons tous les quatre ensemble.

— Convenu, dit Genestas.

Les deux amis allèrent se coucher, en se souhaitant mutuellement une bonne nuit. En arrivant sur le palier qui séparait leurs chambres, Genestas posa sa lumière sur l’appui de la croisée et s’approcha de Benassis.

— Tonnerre de Dieu ! lui dit-il avec un naïf enthousiasme, je ne vous quitterai pas ce soir sans vous dire que, vous le troisième