Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/515

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— Oh ! oui bien, mon cher monsieur. Vous êtes venu par un joli printemps chez nous, et vous m’avez donné deux écus.

— Tenez, la mère, voilà pour vous et pour les enfants !

— Mon bon monsieur, je vous remercie. Que le ciel vous bénisse !

— Ne me remerciez pas, vous devez cet argent au pauvre père Benassis.

La vieille leva la tête et regarda Genestas.

— Ah ! monsieur, quoiqu’il ait donné son bien à notre pauvre pays, et que nous soyons tous ses héritiers, nous avons perdu notre plus grande richesse, car il faisait tout venir à bien ici.

— Adieu, la mère, priez pour lui ! dit Genestas après avoir donné aux enfants de légers coups de cravache.

Puis, accompagné de toute la petite famille et de la vieille, il remonta sur son cheval et partit. En suivant le chemin de la vallée, il trouva le large sentier qui menait chez la Fosseuse. Il arriva sur la rampe d’où il pouvait apercevoir la maison ; mais il n’en vit pas, sans une grande inquiétude, les portes et les volets fermés ; il revint alors par la grande route dont les peupliers n’avaient plus de feuilles. En y entrant, il aperçut le vieux laboureur presque endimanché, qui marchait lentement tout seul et sans outils.

— Bonjour, bonhomme Moreau.

— Ah ! bonjour, monsieur ! Je vous remets, ajouta le bonhomme après un moment de silence. Vous êtes un ami de défunt monsieur notre maire ! Ah ! monsieur, ne valait-il pas mieux que le bon Dieu prît à sa place un pauvre sciatique comme moi. Je ne suis rien ici, tandis que lui était la joie de tout le monde.

— Savez-vous pourquoi il n’y a personne chez la Fosseuse ?

Le bonhomme regarda dans le ciel.

— Quelle heure est-il, monsieur ? On ne voit point le soleil, dit-il.

— Il est dix heures.

— Oh ! bien, elle est à la messe ou au cimetière. Elle y va tous les jours, elle est son héritière de cinq cents livres de viager et de sa maison pour sa vie durante ; mais elle est quasi folle de sa mort.

— Où allez-vous donc, mon bon homme ?

— À l’enterrement de ce pauvre petit Jacques, qu’est mon neveu. Ce petit chétif est mort hier matin. Il semblait vraiment que ce fût ce cher monsieur Benassis qui le soutînt. Tous ces jeunes,