Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/517

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au revers de la montagne, un grand terrain rocailleux environné de murs.

— Voilà le cimetière, lui dit le curé. Trois mois avant d’y venir, lui, le premier, il fut frappé des inconvénients qui résultent du voisinage des cimetières autour des églises ; et, pour faire exécuter la loi qui en ordonne la translation à une certaine distance des habitations, il a donné lui-même ce terrain à la Commune. Nous y enterrons aujourd’hui un pauvre petit enfant : nous aurons ainsi commencé par y mettre l’Innocence et la Vertu. La mort est-elle donc une récompense ? Dieu nous donne-t-il une leçon en appelant à lui deux créatures parfaites ? allons-nous vers lui, lorsque nous avons été bien éprouvés au jeune âge par la souffrance physique, et dans un âge plus avancé par la souffrance morale ? Tenez voilà le monument rustique que nous lui avons élevé.

Genestas aperçut une pyramide en terre, haute d’environ vingt pieds, encore nue, mais dont les bords commençaient à se gazonner sous les mains actives de quelques habitants. La Fosseuse fondait en larmes, la tête entre ses mains et assise sur les pierres qui maintenaient le scellement d’une immense croix faite avec un sapin revêtu de son écorce. L’officier lut en gros caractères ces mots gravés sur le bois :


D. O. M.
CI GÎT
LE BON MONSIEUR BENASSIS,
NOTRE PÈRE
À
TOUS.
PRIEZ POUR LUI !

— C’est vous, monsieur, dit Genestas, qui avez…

— Non, répondit le curé, nous avons mis la parole qui a été répétée depuis le haut de ces montagnes jusqu’à Grenoble.

Après être demeuré silencieux pendant un moment, et s’être approché de la Fosseuse qui ne l’entendit pas, Genestas dit au curé : — Dès que j’aurai ma retraite, je viendrai finir mes jours parmi vous.

Octobre 1832. — Juillet 1833.