Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/55

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flattaient si vivement la sombre exaltation de ces contrées que les moins zélés coopéraient à y préparer des événements décisifs pour la monarchie abattue. Hulot ne recevait aucune réponse aux demandes et aux rapports réitérés qu’il adressait à Paris. Ce silence étonnant annonçait, sans doute, une nouvelle crise révolutionnaire.

— En serait-il maintenant, disait le vieux chef à ses amis, en fait de gouvernement comme en fait d’argent, met-on néant à toutes les pétitions ?

Mais le bruit du magique retour du général Bonaparte et des événements du Dix-huit Brumaire ne tarda pas à se répandre. Les commandants militaires de l’Ouest comprirent alors le silence des ministres. Néanmoins ces chefs n’en furent que plus impatients d’être délivrés de la responsabilité qui pesait sur eux, et devinrent assez curieux de connaître les mesures qu’allait prendre le nouveau gouvernement. En apprenant que le général Bonaparte avait été nommé premier consul de la République, les militaires éprouvèrent une joie très vive : ils voyaient, pour la première fois, un des leurs arrivant au maniement des affaires. La France, qui avait fait une idole de ce jeune général, tressaillit d’espérance. L’énergie de la nation se renouvela. La capitale, fatiguée de sa sombre attitude, se livra aux fêtes et aux plaisirs desquels elle était depuis si longtemps sevrée. Les premiers actes du Consulat ne diminuèrent aucun espoir, et la Liberté ne s’en effaroucha pas. Le premier consul fit une proclamation aux habitants de l’Ouest. Les éloquentes allocutions adressées aux masses et que Bonaparte avait, pour ainsi dire, inventées, produisaient, dans ces temps de patriotisme et de miracles, des effets prodigieux. Sa voix retentissait dans le monde comme la voix d’un prophète, car aucune de ses proclamations n’avait encore été démentie par la victoire.

« Habitants,

Une guerre impie embrase une seconde fois les départements de l’Ouest.

Les artisans de ces troubles sont des traîtres vendus à l’Anglais ou des brigands qui ne cherchent dans les discordes civiles que l’aliment et l’impunité de leurs forfaits.

À de tels hommes le gouvernement ne doit ni ménagements ni déclaration de ses principes.