Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/590

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carrelée et garnie de bancs, était éclairée par quatre croisées latérales en ogive, à vitrages en plomb. L’autel, en forme de tombeau, avait pour ornement un grand crucifix au-dessus d’un tabernacle en noyer décoré de quelques moulures propres et luisantes, huit flambeaux à cierges économiques en bois peint en blanc, puis deux vases en porcelaine pleins de fleurs artificielles, que le portier d’un agent de change aurait rebutés, et desquels Dieu se contentait. La lampe du sanctuaire était une veilleuse placée dans un ancien bénitier portatif en cuivre argenté, suspendu par des cordes en soie qui venaient de quelque château démoli. Les fonts baptismaux étaient en bois comme la chaire et comme une espèce de cage pour les marguilliers, les patriciens du bourg. Un autel de la Vierge offrait à l’admiration publique deux lithographies coloriées, encadrées dans un petit cadre doré. Il était peint en blanc, décoré de fleurs artificielles plantées dans des vases tournés en bois doré, et recouvert par une nappe festonnée de méchantes dentelles rousses. Au fond de l’église, une longue croisée voilée par un grand rideau en calicot rouge, produisait un effet magique. Ce riche manteau de pourpre jetait une teinte rose sur les murs blanchis à la chaux il semblait qu’une pensée divine rayonnât de l’autel et embrassât cette pauvre nef pour la réchauffer. Le couloir qui conduisait à la sacristie offrait sur une de ses parois le patron du village, un grand saint Jean-Baptiste avec son mouton, sculptés en bois et horriblement peints. Malgré tant de pauvreté, cette église ne manquait pas des douces harmonies qui plaisent aux belles âmes, et que les couleurs mettent si bien en relief. Les riches teintes brunes du bois relevaient admirablement le blanc pur des murailles, et se mariaient sans discordance à la pourpre triomphale jetée sur le chevet. Cette sévère trinité de couleurs rappelait la grande pensée catholique. À l’aspect de cette chétive maison de Dieu, si le premier sentiment était la surprise, il était suivi d’une admiration mêlée de pitié : n’exprimait-elle pas la misère du pays ? ne s’accordait-elle pas à la simplicité naïve du presbytère ? Elle était d’ailleurs propre et bien tenue. On y respirait comme un parfum de vertus champêtres, rien n’y trahissait l’abandon. Quoique rustique et simple, elle était habitée par la Prière, elle avait une âme, on le sentait sans s’expliquer comment.

L’abbé Gabriel se glissa doucement pour ne point troubler le recueillement de deux groupes placés en haut des bancs, auprès