Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/614

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périeures. Du coin où il était, il aperçut une lumière dans cette île qui, par un certain soir, avait attiré l’attention de l’abbé Gabriel et de l’Évêque, l’île de Véronique enfin ; cette lueur lui rappela les mystères inexpliqués du crime commis par Tascheron. Puis, ne trouvant aucune raison pour qu’on fît du feu sur la Vienne à cette heure, l’idée secrète qui avait frappé l’Évêque et son secrétaire le frappa d’une lueur aussi subite que l’était celle de l’immense foyer qui brillait dans le lointain. — Nous avons tous été de grands sots, s’écria-t-il, mais nous tenons les complices. Il remonta dans le salon, chercha monsieur de Grandville, lui dit quelques mots à l’oreille, puis tous deux disparurent ; mais l’abbé de Rastignac les suivit par politesse, il épia leur sortie, les vit se dirigeant vers la terrasse, et il remarqua le feu au bord de l’île. — Elle est perdue, pensa-t-il.

Les envoyés de la Justice arrivèrent trop tard. Denise et Louis-Marie, à qui Jean avait appris à plonger, étaient bien au bord de la Vienne, à un endroit indiqué par Jean ; mais Louis-Marie Tascheron avait déjà plongé quatre fois, et chaque fois il avait ramené vingt mille francs en or. La première somme était contenue dans un foulard noué par les quatre bouts. Ce mouchoir, aussitôt tordu pour en exprimer l’eau, avait été jeté dans un grand feu de bois mort allumé d’avance. Denise ne quitta le feu qu’après avoir vu l’enveloppe entièrement consumée. La seconde enveloppe était un châle, et la troisième un mouchoir de batiste. Au moment où elle jetait au feu la quatrième enveloppe, les gendarmes, accompagnés d’un commissaire de police, saisirent cette pièce importante que Denise laissa prendre sans manifester la moindre émotion. C’était un mouchoir sur lequel, malgré son séjour dans l’eau, il y avait quelques traces de sang. Questionnée aussitôt sur ce qu’elle venait de faire, Denise dit avoir retiré de l’eau l’or du vol d’après les indications de son frère ; le commissaire lui demanda pourquoi elle brûlait les enveloppes, elle répondit qu’elle accomplissait une des conditions imposées par son frère. Quand on demanda de quelle nature étaient ces enveloppes, elle répondit hardiment et sans aucun mensonge : — Un foulard, un mouchoir de batiste et un châle.

Le mouchoir qui venait d’être saisi appartenait à son frère.

Cette pêche et ses circonstances firent grand bruit dans la ville de Limoges. Le châle surtout confirma la croyance où l’on était que Tascheron avait commis son crime par amour. « — Après sa