Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/651

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qui nous font face. D’après les idées de monsieur le curé, cet état de choses cessera lorsque les conduits naturels du versant qui regarde votre plaine se boucheront par les terres, par les pierres que les eaux entraînent, et qu’ils seront plus élevés que le fond du Gabou. Votre plaine alors sera inondée comme le sont les communaux que vous voulez aller voir ; mais il faut des centaines d’années. D’ailleurs, est-ce à désirer, madame ? Si votre sol ne buvait pas comme fait celui des communaux cette masse d’eau, Montégnac aurait aussi des eaux stagnantes qui empesteraient le pays.

— Ainsi, les places où monsieur le curé me montrait, il y a quelques jours, des arbres qui conservent leurs feuillages encore verts, doivent être les conduits naturels par où les eaux se rendent dans le torrent du Gabou.

— Oui, madame. De la Roche-Vive à Montégnac, il se trouve trois montagnes, par conséquent trois cols où les eaux, repoussées par la banquette de schiste, s’en vont dans le Gabou. La ceinture de bois encore verts qui est au bas, et qui semble faire partie de votre plaine, indique cette gouttière devinée par monsieur le curé.

— Ce qui fait le malheur de Montégnac en fera donc bientôt la prospérité, dit avec un accent de conviction profonde madame Graslin. Et puisque vous avez été le premier instrument de cette œuvre, vous y participerez, vous chercherez des ouvriers actifs, dévoués, car il faudra remplacer le manque d’argent par le dévouement et par le travail.

Benjamin et Maurice arrivèrent au moment où Véronique achevait cette phrase ; elle saisit la bride de son cheval, et fit signe à Farrabesche de monter sur celui de Maurice.

— Menez-moi, dit-elle, au point où les eaux se répandent sur les communaux.

— Il est d’autant plus utile que madame y aille, dit Farrabesche, que, par le conseil de monsieur le curé, feu monsieur Graslin est devenu propriétaire, au débouché de cette gorge, de trois cents arpents sur lesquels les eaux laissent un limon qui a fini par produire de la bonne terre sur une certaine étendue. Madame verra le revers de la Roche-Vive sur lequel s’étendent des bois superbes, et où monsieur Graslin aurait placé sans doute une ferme. L’endroit le plus convenable serait celui où se perd la source qui se trouve auprès de ma maison et dont on pourrait tirer parti.

Farrabesche passa le premier pour montrer le chemin, et fit