Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/654

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mais elle s’avança vivement vers le Gabou, où la suivit le garde. Pendant qu’elle mesurait cette ouverture, à travers laquelle on apercevait la longue vallée si riante d’un côté, si ruinée de l’autre, et dans le fond, à plus d’une lieue, les collines étagées du revers de Montégnac, Farrabesche dit : — Dans quelques jours il y aura là de fameuses cascades !

— Et l’année prochaine, à pareil jour, jamais il ne passera plus par là une goutte d’eau. Je suis chez moi de l’un et l’autre côté, je ferai bâtir une muraille assez solide, assez haute pour arrêter les eaux. Au lieu d’une vallée qui ne rapporte rien, j’aurai un lac de vingt, trente, quarante ou cinquante pieds de profondeur, sur une étendue d’une lieue, un immense réservoir qui fournira l’eau des irrigations avec laquelle je fertiliserai toute la plaine de Montégnac.

— Monsieur le curé avait raison, madame, quand il nous disait, lorsque nous achevions votre chemin : « Vous travaillez pour votre mère ! » Que Dieu répande ses bénédictions sur une pareille entreprise.

— Taisez-vous là-dessus, Farrabesche, dit madame Graslin, la pensée en est à monsieur Bonnet.

Revenue à la maison de Farrabesche, Véronique y prit Maurice et retourna promptement au château. Quand sa mère et Aline aperçurent Véronique, elles furent frappées du changement de sa physionomie, l’espoir de faire le bien de ce pays lui avait rendu l’apparence du bonheur. Madame Graslin écrivit à Grossetête de demander à monsieur de Grandville la liberté complète du pauvre forçat libéré, sur la conduite duquel elle donna des renseignements qui furent confirmés par un certificat du maire de Montégnac et par une lettre de monsieur Bonnet. Elle joignit à cette dépêche des renseignements sur Catherine Curieux, en priant Grossetête d’intéresser le Procureur-général à la bonne action qu’elle méditait, et de faire écrire à la Préfecture de Police de Paris pour retrouver cette fille. La seule circonstance de l’envoi des fonds au bagne où Farrabesche avait subi sa peine devait fournir des indices suffisants. Véronique tenait à savoir pourquoi Catherine avait manqué à venir auprès de son enfant et de Farrabesche. Puis elle fit part à son vieil ami de ses découvertes au torrent du Gabou, et insista sur le choix de l’homme habile qu’elle lui avait déjà demandé.

Le lendemain était un dimanche, et le premier où, depuis son